Irak : Le gouvernement allemand est réservé sur la livraison d’armes aux combattants kurdes

À la demande de Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, et de son homologue italien, Federica Mogherini, dont la pays assure la présidence tournante de l’Union européenne, le comité politique et de sécurité (COPS) rassemblant les 28 ambassadeurs des États membres devait se réunir, ce 12 août, pour évoquer la situation humanitaire en Irak et la livraison éventuelle d’armes aux combattants kurdes irakiens, qui sont en première ligne face à l’offensive des jihadistes de l’État islamique (EI) dans le nord du pays.

« Nous examinons avec nos principaux partenaires européens les moyens les plus efficaces pour stopper l’avancée des jihadistes de l’Etat islamique (EI). Il ne s’agit pas d’une intervention militaire mais d’un soutien, y compris militaire, au gouvernement kurde », avait expliqué Mme Mogherini.

Constitués en force de protection, les combattants kurdes (Peshmergas) n’ont pas forcément l’expérience du combat comme peuvent l’avoir leurs adversaires. Et surtout, ils sont sont bien moins équipés que les jihadistes qui disposent des armes prises aux forces syriennes et irakiennes. Aussi, plusieurs pays de l’UE, dont la France et le Royaume-Uni, ont évoqué d’éventuelles livraisons d’armes à leur intention.

Seulement, il sera compliqué, encore une fois, de concilier l’inconciliable, c’est à dire la position des 28 États membres. En effet, l’Allemagne ne devrait pas être d’accord pour que des armes soient livrés aux Peshmergas. Et cela, même si elle reconnaît la situation de détresse que vivent les 200.000 déplacés ayant fui l’avancée des jihadistes.

Le 11 août, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a ainsi confié dans les colonnes du Süddeutsche Zeitung qu’il était en contact avec Massoud Barzani, le président de la région autonome du Kurdistan irakien « pour voir  comment nous pouvons offrir un soutien dans cette situation extrêmement critique ». Et d’ajouter : « Nous devons aider ces gens ». Mais pas en livrant des armes…

Car le porte-parole de la chancellerie allemande, Steffen Seibert, a dans le même temps rappelé que « l’un des principes de la politique d’exportation d’armes de ce gouvernement, comme pour tous les précédents, est de ne pas fournir d’armes à des zones de crise et de guerre. » Et d’ajouter : « Le gouvernement actuel restera attaché à ce principe ».

Cette position est soutenue par Norber Röttgen (CDU, chrétien-démocrate)  le président de la commission des Affaires étrangères du Bundestag (chambre basse du Parlement allemand, ndlr). « Les livraisons d’armes dans une situation de conflit militaire aigüe contreviendrait clairement aux lignes directrices de notre politique d’exportation d’armes et n’apporterait pas une solution au conflit ». Cela dit, cette façon de voir les choses fait débat au sein du parti d’Angela Merkel.

Pour Rolf Mützenich, un expert des relations internationales au SPD (sociaux-démocrates, gauche), les livraisons d’armes « n’amélioreront pas la situation en Irak », pays qui en est largement pourvu, selon lui. « Plus de 12 milliards de dollars ont été dépensés au cours des dernières années pour les armes », a-t-il avancé, en disant craindre que les armements livrés pourraient être utilisés « dans une nouvelle guerre civile », étant donné le manque d’unité politique à Bagdad. « L’Allemagne devrait d’abord travailler avec d’autres pays occidentaux pour aider à établir un gouvernement d’unité nationale en Irak », a-t-il ajouté. Pas sûr, cependant, qu’il soit vraiment conscient de ce qui est en train de se jouer dans le nord irakien et en Syrie…

Plus à gauche sur l’échiquier politique allemand, l’on se dit à la fois opposé aux livraisons d’armes et aux frappes américains contre les jihadistes. Une élue au Bundestag, Ulla Jelpke, a estimé qu’il fallait aider plutôt les combattants du Parti des travailleurs kurdes (PKK)… qui ne sont pas irakiens mais turcs.

Quant aux écologistes allemands, ils n’ont pas d’état d’âme, leur chef de file, Cem Özdemir s’étant prononcé pour la livraison d’armes aux Peshmergas, qui « ont déjà sauvé la vie de milliers » de personnes. Et « ils n’ont pas fait cela avec des tapis de yoga, mais avec des armes. Et ils ont reçu ces armes des Américains », a-t-il plaidé. « La communauté internationale ne doit pas permettre que les Yézidis et les chrétiens, qui vivent dans cette région depuis des millénaires, soient anéantis », a-t-il dit.

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