Les jihadistes consolident leurs positions dans le nord de l’Irak et provoquent l’exode des minorités

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L’on comptait sur les combattants kurdes – les peshmergas – pour arrêter, ou du moins freiner, la progression des jihadistes de l’État islamique (EI) dans le nord de l’Irak. Ces derniers, après  s’être emparés de Falloujah au début de l’année, puis avoir lancé une offensive victorieuse sur Mossoul, en juin, ont établi un califat à cheval sur la Syrie et les provinces irakiennes qu’ils contrôlent. Désormais, ils s’attachent à assurer la continuité des territoires conquis, au prix de nombreux crimes de guerre et de l’exode de populations civiles appartenant à des minorités éthniques et religieuses.

Le 3 août, l’EI s’est emparé de la ville de Zoumar, de Rabia et d’un site pétrolier avant de mettre la main sur Sinjar, censée être protégée par les peshmergas. Selon les Nations unies, 200.000 personnes ont pris la fuite, dont des Yésidis, une minorité kurdophone adepte d’une religion issue du zoroastrisme et de réfugiés qui avaient trouvé refuge dans cette localité.

Par ailleurs, le sort du barrage de Mossoul, reste incertain. Or, le contrôle de cet ouvrage est essentiel dans la mesure où non seulement il fournit de l’électricité et de l’eau au reste du pays mais l’ouverture de ses vannes peuvent provoquer des inondations jusqu’à certains secteurs de Bagdad. Qui plus est, son état exige des travaux qu’il sera impossible d’effectuer si les jihadistes en sont les maîtres.

Le 4 août, CNN a indiqué que les combattants kurdes (appartenant l’unité d’élite Zerevani avaient perdu le contrôle de ce barrage. Ce qu’ils ont nié. « L’EI a lancé une attaque sur le barrage de Mossoul mais les peshmerga l’ont repoussée », a ainsi affirmé Halgurd Hekmat, leur porte-parole . « Ils ont laissé au moins un cadavre et quatre Humvees derrière eux dans leur fuite », a-t-il précisé.

Quoi qu’il en soit, si les jihadistes sont apparemment bloqués au barrage de Mossoul, leur progression continue ailleurs, en s’emparant de trois nouvelles villes, dont Qaraqosh, entièrement chrétienne, de Tal Kayf, ou vit la minorté chiite Chabak, et Bartella. « C’est une catastrophe, une situation tragique. Nous appelons le conseil de sécurité de l’ONU à intervenir immédiatement. Des dizaines de milliers de personnes terrifiées sont chassées de chez elles au moment où nous parlons, on ne peut pas décrire ce qui se passe », a affirmé Mgr Joseph Thomas, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh.

Les turcomanes chiites de la ville d’Amerli (20.000 habitants, à 160 km au nord de Bagdad) est également menacée par la progression des jihadistes. Ces derniers ont déjà pris le contrôles d’une trentaine de villages dans les environs. La localité est assiégée depuis le 18 juin et sa population manque de tout. Le 3 août, des combattants locaux, aidés par des milices chiites, ont réussi un repousser l’assaut le plus violent qu’ils ont eu à affronter depuis un mois et demi. Jusqu’à quand tiendront-ils?

Ce 7 août, le pape François a lancé un appel à la communauté internationale pour venir en aide à ces populations chassées par les jihadistes et demandé que soit « entrepris le nécessaire pour protéger ceux qui sont menacés par la violence ». De son côté, Paris veut une réunir en urgence le Conseil de sécurité des Nations unies. « La est très vivement préoccupée par les dernières avancées de l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant) dans le nord de l’Irak et par la prise de Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d’Irak, et par les exactions intolérables qui sont commises », a ainsi affirmé Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères.

Pour le moment, les combattants kurdes sont en première ligne. Les peshmergas irakiens ont reçu le renfort du PKK turc et du PYD syrien. Les kurdes venus de Turquie et de Syrie « sont chargés de combattre dans la région de Rabia et de Sijar » tandis que les Peshmergas assurent la défense de Zoumar et celle des secteurs situés au nord et à l’est de Mossoul. Pour la région autonome du Kurdistan irakien, l’un des enjeux à venir sera très probablement la défense de la ville pétrolière de Kirkouk. Les Peshmergas pourront-ils l’assurer?

Comme le notait récemment le Wall Street Journal, les États-Unis ont fourni une aide militaire conséquente aux forces armés irakiennes (1 milliard depuis 2011)… Seulement, les Pehmergas n’en ont pas vu la couleur alors qu’il était question, en 2010, de les armer. La faute au Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, par calcul politique et aveuglement religeux (il est chiite, les Kurdes sont sunnites).

En août 2013, l’Institute for National Security Studies (INSS), un centre de réflexions israéliens, estimait les effectifs des Kurdish Regional Guards à 70.000 hommes en activités, auxquels il fallait ajouter 100.000 réservistes. Quant à leur équipement, il n’est pas des plus modernes. Au plus peuvent-ils compter sur des Humvee américain (mais l’EI en a également, pris à l’armée irakienne), quelques chars T-55 d’origine soviétique, des obusiers et des hélicoptères EC-120 Colibri (donc pas vraiment taillé pour les opérations militaires).

Photo : Peshmergas à bord d’un T-55

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