Les sanctions de l’UE contre les chefs des services de renseignement russes sont-elles pertinentes?

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Après l’affaire du Boeing de la Malaysia Airlines abattu avec 200 personnes à bord alors qu’il survolait l’est de l’Ukraine et pour laquelle la Russie est soupçonnée d’y avoir des responsabilités en raison de son soutien aux séparatistes pro-russes, l’Union européenne est décidée à durcir le ton face à Moscou et à adopter de nouvelles sanctions.

La semaine passée, les 28 États membres ont chargé la Commission de Bruxelles de préparer « des sanctions ciblées dans les secteurs des technologies clés et militaires ». Mais, pour le moment, l’on n’en est pas encore là, une décision devant être prise dans les prochains jours. Aussi, les seules mesures qui ont été prises le 26 juillet par l’UE ont consisté à mettre sur sa liste noire 15 personnalités ainsi que 18 entités (notamment des entreprises ayant leur siège en Crimée.

Parmi les personnalités visées par un gel de leurs avoirs et un intediction de voyager dans l’espace européen figurent des responsables des services de renseignement russes, dont Nikolaï Bortnikov (FSB, renseignement intérieur) et Mikhaïl Fradkov (SVR, renseignement extérieur).

L’affaire Snowden et son lot de révélations sur les activités de la National Security Agency (NSA, l’agence américaine spécialisée dans le recueil de données électroniques) a fait beaucoup de bruit ces derniers mois. Pour autant, les services russes sont loin de rester inactifs sur le Vieux Continent… Mais avec d’autres méthodes plus anciennes mais tout aussi efficaces, consistant à recruter des « sources » dans les domaines clés (défense, technologie), à chercher des leviers d’influence, notamment au sein des milieux parlementaires, présence d’agents dormants, comme dans la série « The Americans », etc…

Une enquête de Vincent Jauvert, publiée par le Nouvel Observateur (numéro du 24 juillet), revient en détail sur toutes ces pratiques. L’on y apprend que l’activité des espions russes a tellement augmentée depuis la crise ukrainienne que le service H4 de la Direction général de sécurité intérieure (DGSI), chargé de la Russie, a renforce ses équipes alors qu’il était en sous-effectifs avec « moins de 30 collaborateurs, secrétaires comprises ».

Mais la DGSI n’est pas la seule concernée : la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) l’est également.

Ainsi, l’enquête de l’hebdomadaire raconte, à titre d’exemple, comment un prétendu vice-attache naval russe a tenté d’obtenir des données confidentielles concernant la signature acoustique des sous-marins nucléaires français en tentant de soudoyer, après une phase d’approche,  un officier de la Marine nationale. Ce dernier a pris l’argent en échange… de faux documents préparés par la DPSD.

Cela étant, il n’est pas question de faire du bruit autour de ces affaires. Car, comme rien n’est ni tout blanc ni tout noir, les services occidentaux et russes collaborent aussi entre eux les menaces communes et en particulier sur les affaires de terrorisme.

En outre, comme l’a confié un specialiste au Nouvel Observateur, « nous préférons les observer, plutôt que de donner un coup dans la fourmilière ». En outre, ajoute cette source, « depuis l’annexion de la Crimée, les relations diplomatiques entre nos deux pays sont réduites à presque rien, les contacts entre services de renseignement sont donc utiles pour maintenir un canal de communication ».

Ce que les sanctions de l’UE contre les responsables du FSB et du SVR risquent de mettre à mal. D’ailleurs, c’est sur ces points que Moscou a insisté à l’annonce de la décision des 28. « L’Union européenne a, à proprement parler, mis en danger la coopération internationale dans le domaine de la sécurité », a commenté le ministère russe des Affaires étrangères.

« L’élargissement de la liste des sanctions constitue un témoignage direct du choix des pays de l’Union européenne de revenir sur la coopération avec la Russie en matière de sécurité internationale et régionale », a-t-il encore fait valoir en citant les défis posés par l’Afghanistan, le Moyen Orient et l’Afrique du Nord. Aussi, pour Moscou, ces mesures sont « irresponsables ». Et d’ajouter qu’elles « seront accueillies avec enthousiasme par les tenants du terrorisme international ».

Photo : Scène du film « Les Barbouzes », de Georges Lautner

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