Vers des sanctions de l’Union européenne contre la Russie dans les secteurs de la technologie et de la Défense?

Les pressions pour que la France renonce à livrer les 2 Bâtiments de projection et de commandement (BPC) commandés en 2011 par Moscou pour 1,2 milliard d’euros étaient déjà fortes depuis l’annexion de la Crimée. Et elles le sont davantage après l’affaire du Boeing de la Malaysia Airlines, abattu dans l’est de l’Ukraine, et pour laquelle la Russie est soupçonnée d’y avoir une responsabilité, ne serait-ce que pour son soutien aux séparatistes pro-russes.

« Il y a des preuves montrant que Moscou a fourni un entraînement aux combattants séparatistes [ukrainiens] sur un site dans le sud-ouest de la Russie, incluant une formation aux systèmes de défense aérienne », a ainsi accusé David Cameron, le Premier ministre britannique. « Le scénario devient de plus en plus clair et le poids des preuves fait pencher la balance d’un côté: le vol MH17 a été abattu par un missile SA11 tiré par les séparatistes », a-t-il ajouté, reprenant ainsi à son compte les affirmations américaines.

Et s’agissant de la vente des deux BPC à la Russie, dont le premier exemplaire, le Vladivostok, doit être livré l’automne prochain, le locataire du 10 Downing Street n’y est pas allé par quatre chemins : « Franchement, il serait impensable dans ce pays de mener à bien une commande comme celle qu’ont les Français mais nous devons mettre la pression sur tous nos partenaires pour dire que nous ne pouvons pas continuer à faire des affaires comme si de rien n’était avec un pays, quand il se comporte comme ça ».

Les propos du Premier ministre britannique ont été vivement critiqués en France par Jean-Christophe Cambadélis, sur i>TELE, ce 22 juillet. « C’est un faux débat mené par des faux-culs. Ce n’est pas cela qui va amener Poutine à infléchir sa position », a-t-il dit au sujet de la vente des 2 BPC. « Quand on voit le nombre d’oligarques qui sont réfugiés financièrement à Londres, [David Cameron] devrait commencer par balayer devant sa porte », a-t-il ajouté.

La veille, le président Hollande a affirmé, lors d’un dîner avec l’Association de la presse présidentielle, que le premier BPC est « quasiment achevé » et qu’il « doit être livré en octobre ». Et pour cause : « Les Russes ont payé. Il faudrait qu’on rembourse 1,1 milliard d’euro » s’il n’était pas livré, a-t-il fait valoir.

Quant à savoir si le reste du contrat pourra être honoré, le chef de l’État a estimé que cela « dépendra de l’attitude de la Russie ». « Mais à ce stade, a-t-il poursuivi, il n’y a pas de sanction décidée qui nous obligerait à renoncer ».

« Et s’il devait y avoir des sanctions, cela interviendrait au niveau du Conseil européen et ça ne porterait que sur du matériel à venir. On n’en est pas là. On verra si les Russes se comportent mal » a encore ajouté le président Hollande. Mais selon lui, « Poutine est plutôt sur l’idée de faire des propositions politiques ».

Seulement, l’on va tout droit vers des sanctions de phase 3 décidées par l’Union européenne. En tout cas, David Cameron le demande. Et il n’est visiblement pas le seul. « Il est temps d’arrêter la ‘mistralisation’ de la politique européenne », a même affirmé, via Twitter, Dalia Grybauskaité, la présidente de la Lituanie.

Ainsi, le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, a indiqué, ce 22 juillet, en marge d’une réunion avec ses collègues à Bruxelles, que la Commission européenne « va être mandatée pour préparer des sanctions ciblées dans les secteurs des technologies clés et militaires ». Ces propos ont été confirmés, selon l’AFP, par une autre « source européenne ».

Il serait également question d’adopter des mesures sectorielles susceptible de concerner l’accès aux marchés financiers européens, les biens à usage civil et militaire ainsi que l’énergie (en particulier le pétrole et le gaz).

Il s’agit bien là de « préparer » des sanctions contre la Russie… Et non encore de les appliquer. Mais qu’on le veuille ou non, sur le plan diplomatique, cette vente des deux BPC à Moscou met la France dans l’embarras. Il est en effet difficile de promouvoir l’Union européenne et dans le même temps ignorer ce que les États membres de cette même Union ont à dire… En clair, la marge est terriblement étroite.

« Livrer des armes à la Russie est une position difficile à défendre », a ainsi affirmé Carl Bildt, le chef de la diplomatie suédoise. « Nous devrions envisager une interdiction de toutes les ventes d’équipement militaire, des navires, différents types de technologie, cela doit cesser », a enchéri Philip Hammond, le nouveau locataire du Foreign Office britannique.  Quant à Laurent Fabius, il n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet, préférant aborder celui du Proche-Orient…

Du côté des ouvrier du chantier naval STX de Saint-Nazaire, où sont construits les deux navires, l’on veut croire que la situation se calmera en Ukraine afin de pouvoir « sortir par le haut ». « Nous faisons le boulot normalement. Après, à qui on livrera, les mois à venir le diront », a ainsi estimé Christophe Moral, un syndicaliste de la CFDT. « Nous ne sommes pas alarmistes sur la production proprement dite. Mais l’État devra prendre ses responsabilités », a ajouté Joël Cadoret, un de ses collègues membres de la CGT.

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