C’est le 14 Juillet : Mettons la poussière sous le tapis

Lors de la réception en l’honneur des armées donnée le 13 juillet, le président Hollande a une nouvelle fois affirmé que les crédits de la Défense étaient « sanctuarisés » sans le cadre de la Loi de Programmation Militaire.

« Chacun connaît les difficultés budgétaires, les obligations qui sont les nôtres », a-t-il dit, en rappelant l’effort de 50 milliards d’économies dans les 3 prochaines années qui devrait être fait. « Si nous avons fait en sorte (…) que la Défense ait des crédits exactement comme prévu dans la LPM (31,4 milliards d’euros par an, ndlr), c’est parce que je sais que chaque euro dans le budget de la Défense correspond à une mission, à une opération, et permet la sécurité de notre pays », a ajouté le chef de l’Etat.

« La rigueur n’a de sens que si elle nous renforce, pas si elle nous affaiblit », a-t-il encore fait avoir, en rappelant qu’il avait demandé « aux armées d’être elles-mêmes rigoureuses ». Car, selon lui, « ikl ne s’agit pas de rationner, il s’agit d’anticiper, de lutter contre les gaspillages, pour que toutes les ressources puissent bénéficier aux priorités de notre défense ».

Sauf que, aux dernières nouvelles,  ce n’est pas tout à fait exact. Fin 2013, le ministère de la Défense a subi une annulation de crédits d’un montant de 650 millions d’euros, ce qui a compliqué de facto les conditions d’entrée de la LPM 2014-2019. Six mois plus tard, dans le cadre du projet de loi de finances rectificatives, ce sont 350 autres millions qui se sont envolés. Enfin, pour 2015, dans la programmation budgétaire triennale, ce sont encore 500 millions qui ont été effacés.

Certes, il a été promis que ces crédits annulés seraient compensés par des recettes exceptionnelles (REX), par essence aléatoires. Le Programme des investissement d’avenir (PIA) devrait être à nouveau sollicité… Sauf que pour que ce soit effectivement le cas, il faut trouver des dépenses qui soient éligibles dans le cadre de ce dispositif. En outre, seuls les opérateurs d’Etat peuvent en bénéficier… L’idée de changer le statut de la Direction générale de l’armement (DGA) est pour l’instant restée lettre morte, si l’on en croit les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et des forces armées. En clair, la sanctuarisation du budget telle que avancée par le chef de l’Etat n’est nullement garantie.

Pour autant, invité, le 13 juillet, du Grand Jury d’Europe 1, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est certain d’avoir les crédits promis, et, par conséquent, ces fameuses REX. Même en 2015… Alors que l’on sait que les ressources extrabudgétaires attendues et devant provenir de la vente aux enchères de fréquences 700 MHz ne seront pas aux rendez-vous. Les parlementaires ont même tiré le signal d’alarme il y a encore quelques jours!

Mieux encore : l’on pouvait même s’y attendre étant donné que la mise aux enchères de ces fréquences 700 MHz dépendent des décisions qui seront prises par Conférence mondiale des radiocommunications prévue pour novembre 2015, que l’Agence nationale des fréquences avait estimé, dès janvier 2013, qu’une mise aux enchères ne pourrait pas avoir lieu avant 2017 et que le Conseil supérieur de l’audiovisuel avait averti que ces bandes ne seraient pas libérées avant 2019!

« Les documents que nous avons recueillis (ndlr, lors du contrôle sur pièces effectué à Bercy le 17 juin) font apparaître que la direction du budget était informée et consciente de ces estimations de calendrier dès le premier trimestre 2013 », a même déploré  Jacques Gautier, lors des travaux de la commission des Affaires étrangères et des forces armées du Sénat.

Par ailleurs, sur les ondes d’Europe1, interrogé sur les faibles taux de disponibilité de certains matériels, M. Le Drian a affirmé « ne pas être sûr que ce sont les meilleurs experts qui disent ça ». Et d’ajouter : « Je suis très frappé par le nombre d’experts qui ont des grandes proclamations et que je ne vois jamais sur le terrain ».

Sauf que les taux de disponibilité sont donnés par les services du ministère de la Défense aux parlementaires qui en font la demande et qu’il sont même publiés au Journal Officiel. Les inquiétudes ne reposent donc pas sur du vent. Et quand le député Yves Fromion, co-auteur avec son collègue Gwendal Rouillard, d’un rapport sur l’évolution du dispositif militaire en Afrique dit que « depuis longtemps, les moyens ne suffisent même plus à maintenir le matériel à niveau : il est, pour une partie, en phase de délitement » et que « l’on ne pourra pas laisser très longtemps nos matériels et nos équipements se déliter ainsi », il sait de quoi il parle : il a fait ce constat sur le terrain.

Mais ce n’est pas grave. Le budget de la Défense est sanctuarisé, nous assure-t-on… « Il faut toujours croire les oracles et faire en sorte que les prévisions se réalisent », a affirmé le président Hollande… au sujet du temps qu’il allait faire le 14 Juillet… Cela vaut-il également pour les crédits des armées?

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