Berlin expulse le représentant du renseignement américain en Allemagne

L’an passé, l’Allemagne avait été « stupéfaite » d’apprendre qu’elle était le pays de l’Union européenne le plus surveillé par la National Security Agency (NSA, les grandes oreilles américaines), suite aux révélations d’Edward Snowden, un ancien consultant du renseignement américain (passé depuis chez les Russes, qui doivent en faire tout autant dans ce domaine…).

« S’il est confirmé que des représentations diplomatiques de l’Union européenne et de pays européens ont été espionnées, alors nous devons dire clairement: l’espionnage d’amis est inacceptable. Nous ne sommes plus dans la guerre froide », avait alors déclaré Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement allemand. Et outre-Rhin, ce genre d’affaire est sensible : le souvenir de la surveillance des individus par le régime nazi et puis par la Stasi, l’ex-police politique est-allemande reste bien ancré dans les esprits.

Quelques semaines plus tard, nouvelle révélation, toujours d’après Edward Snowden. Cette fois, les autorités allemandes apprenaient que les communications de la chancelière, Angela Merkal, étaient interceptées. Cette pratique aurait cessé dès que la Maison Blanche en a pris connaissance… mais trop tard, le mal était fait. Qui plus est, les écoutes étaient réalisées depuis l’ambassade des Etats-Unis à Berlin, c’est à dire à seulement 850 mètres de la Chancellerie et du Bundestag, la chambre basse du  Parlement allemand.

Et puis il y a eu l’affaire de trop, avec l’ouverture d’une enquête concernant un agent du BND (le service de renseignement allemand), suspecté de travailler en même temps pour la CIA depuis au moins 2012. Ce dernier aurait remis à la centrale de Langley pas moins de 200 documents émanant d’une commission d’enquête parlementaire sur les activités de la NSA outre-Rhin.

« Si les informations sont exactes, ce serait une affaire grave », a commenté, le 7 juillet, Angela Merkel. « Il s’agirait à mes yeux d’une évidente contradiction avec ce que je considère être une coopération de pleine confiance entre agences (de renseignemen)et partenaires », a-t-elle ajouté. Mais elle n’était alors pas au bout de sa peine car, une semaine plus tard, la justice allemande a ouvert une seconde enquête pour un autre cas similaire. Selon la presse, ce serait cette fois un officier de la Bundeswehr qui aurait transmis des informations à un service américain.

« Je crois que dans ces moments qui peuvent être très confus, il est décisif de pouvoir se faire confiance entre alliés. Plus de confiance peut impliquer plus de sécurité », alors affirmé, ce 10 juillet, Mme Merkel. « Les Américains font preuve d’une bêtise à pleurer dans cette affaire. Que les Etats-Unis recrutent chez nous des gens de troisième classe, c’est tellement idiot. Et face à tant de bêtise, on ne peut que pleurer. Et c’est pourquoi, cela n’amuse pas franchement la chancelière », a, de son côté, commenté Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances.

Quoi qu’il en soit, cette affaire d’agents doubles a motivé, ce jour, l’expusion du chef du renseignement américain en Allemagne. Ce qui est une mesure rare entre alliés de l’Otan.

« Il a été demandé au représentant des services secrets américains à l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique de quitter l’Allemagne », a affirmé Steffen Seibert. « L’expulsion intervient en réaction d’un manque de coopération (constaté) depuis longtemps dans les efforts pour éclaircir l’activité d’agents de renseignements américains en Allemagne », a précisé Clemens Binninger, le président de la commission de contrôle parlementaire sur les activités de renseignement.

Cette affaire en rappelle une autre… en France. En janvier 1995, Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur du gouvernement emmené par Édouard Balladur, avait convoqué l’ambassadeur des États-Unis à Paris pour lui signifier l’expulsion de 5 citoyens américains, dont le chef de poste de la CIA.

« Une longue et minutieuse enquête de la DST a permis d’établir des actes d’ingérence d’un service de renseignement américain par l’intermédiaire d’un haut fonctionnaire français. J’en ai informé l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris à qui j’ai fait savoir de la manière la plus ferme que ces agissements ne pouvaient être tolérés et que leurs auteurs ne sauraient demeurer sur le territoire français », avait expliqué M. Pasqua, dans un courrier publié à l’époque par le quotidien Le Monde. La CIA avait tenté de « retourner » un membre du cabinet de M. Balladur, un autre de celui du ministre de la Communication et un technicien des réseaux de France Télécom.

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