Mariage annoncé de Nexter avec l’allemand Krauss-Maffei Wegmann

Depuis plusieurs mois une rumeur persistance faisait état d’un rapprochement entre le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Wegmann, tous les deux spécialistes de l’armement terrestre… Et elle est devenue une information, ce 1er juillet puisque les deux groupes ont officialisé leurs fiançailles, au ministère de la Défense, à Paris, dans le cadre

« Les propriétaires des entreprises allemande et française ont signé à Paris un protocole d’accord à cet effet. L’alliance des deux groupes sous l’égide d’une société holding conjointe ouvre la voie à un groupe franco-allemand de technologie de défense fort d’un chiffre d’affaires annuel approchant 2 Md€, d’un carnet de commandes d’environ 6 Md€ et d’un effectif de plus de 6000 salariés », ont annoncé les deux industriels dans un communiqué conjoint.

Pour bien comprendre les dessous de cette opération, il faut savoir que Nexter System SA appartient en totalité à la société publique Giat Industries SA. De son côté, Krass-Maffei Wegmann Gmbh&Co. KG est détenue à 100% par la famille Bode-Wegmann, via le groupe Wegmann Gmbh&Co.

Pour mettre en oeuvre ce rapprochement, les propriétaires des deux entités vont mettre  leurs actions dans une société conjointe qui sera créee. Chacun recevra 50% des parts de cette nouvelle holding., dont la gouvernance « conjointe tiendra compte de la parité entre ses deux actionnaires, qui seront les investisseurs de référence du nouveau groupe combiné dans une perspective industrielle de long terme ».

Cette opération, appelée « KANT » pour « Krauss And Nexter Together » (et nom en hommage à l’auteur de « Vers la paix perpétuelle », ce qui aurait été savoureux) est d’abord vivement souhaité par Paris, où l’on affirme que les deux groupes ont une taille « quasi équivalente ». Sauf que KMW a un carnet de commandes deux fois plus important que celui de Nexter. Un détail sans doute…

La future société, qui sera co-dirigée par les deux Pdg actuels, aura son siège sociale aux Pays-Bas. Dans l’immédiat, ce rapprochement permettra à Nexter de bénéficier du réseau commercial de son KMW, ce qui sera un plus à l’export. En outre, les dépenses de recherche et de développements seront partagées. Enfin, il donnera une réponse à la concurrence des pays émergents, de plus en plus présents sur le marché de l’armement terrestre, avec des prix très compétitifs.

Seulement, la route vers un groupe intégré sera encore longue. Il faudra d’abord privatiser Nexter, ce qui ne sera pas facile à vendre à ses employés. L’Etat conservera 50% de l’ensemble et disposera de droits de représentation et un veto sur les éventuelles cessions d’actifs. Qui plus est, il faudra tque Paris et Berlin se mettent d’accord sur les autorisations d’exportation… Là aussi, cela promet un peu de sport… Et, pour terminer, l’opération devra être approuvée par la commission de Bruxelles. Mais quand le dossier sera arrivé à ce stade, cela ne devrait pas poser trop de problème.

Maintenant, la question est de savoir si ce rapprochement n’est pas risqué pour l’industrie française de l’armement, à l’heure où le programme Scorpion (structurant pour l’armée de Terre, avec le renouvellement des VAB, AMX-10 RC et autres ERC-90) entrera dans sa phase de réalisation. En effet, Nexter, qui s’est renforcé dans les munitions au cours de ces derniers mois, et KMW ne sont pas complémentaires mais rivaux : ils ont la même gamme de véhicules (Leclerc/Leopard, Caesar/PzH 2000, VBCI/Boxer/Puma, Aravis/Dingo, etc…).

Quels produits seront plus mis en avant par rapport aux autres quand il s’agira de décrocher un contrat à l’exportation? Les compétences de l’un et de l’autre pourront-elle cohabiter? Et quand viendra l’inévitable moment où il faudra restructurer le groupe pour être plus compétitif (comme est-en train de le faire Airbus, à qui l’on compare ce rapprochement) quelles usines fermeront?

« Nous devrions plutôt réunir nos forces au niveau français, d’autant que Renault Trucks Defense et Nexter ne sont pas concurrents mais au contraire très complémentaires. Une fois unis, nous serions plus en mesure de mener des opérations de rapprochement avec des acteurs européens », avait estimé Gérard Amiel, l’ex-patron de RTD en septembre dernier… Aussi, dans cette affaire, n’a-t-on pas mis la charrue avant les boeufs?

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