Attaque meurtrière du mouvement taleb pakistanais contre l’aéroport international de Karachi

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Quel était l’objectif du mouvement taleb pakistanais en s’attaquant à l’aéroport international Jinnah de Karachi, le soir du 8 juin? S’agissait-il de démontrer qu’il était en mesure de mettre en échec les services de securité en s’en prenant à une cible stratégique ou bien l’ambition était-elle d’aller plus loin encore, en s’emparant d’un avion ou en prenant des otages parmi les passagers qui attendaient de décoller?

Quoi qu’il en soit, le résultat est là. Un commando taleb, constitué par 10 hommes, dont certains s’étaient vêtus d’uniformes militaires tandis que 3 autres portaient des vestes bourrées d’explosifs, a réussi à s’infiltrer dans l’enceinte de l’aéroport en cisaillant la clôture censée protéger l’ancien terminal du site, qui abrite des bureaux, des services techniques et de vieux avions, et à tenir en respect les forces de sécurité pendant plus de 12 heures. Les vols ont été immédiatement suspendus.

Le commando s’est scindé en deux groupes, l’un ayant pour mission de créer une diversion tandis que l’autre tentait d’attaquer le terminal de fret. « Ils fonctionnent par paires. C’est pourquoi leurs corps ont été retrouvés gisant par deux », a expliqué Raja Omar Khattab, le responsable de la police.

L’assaut a pris fin le lendemain, en fin de matinée, avec la mort des 10 assaillants. Le bilan est de 18 tués, dont 11 gardes de l’aéroport et 4 employés de la compagnies aérienne pakistanaise PIA, ainsi que 26 blessés. Selon les autorités, le commando n’est pas parvenu à s’approcher à moins d’un kilomètres du terminal passager. Seulement, d’après les propos de M. Khattab rapportés par Reuters, les assaillsants ont « tiré des roquettes sur des avions de passagers » sans pour autant les atteindre. « Il semble qu’il y ait eu une mauvaise planification de leur part », a-t-il ajouté.

Cette attaque, qui n’est pas sans rappeler celle de la base navale de Karachi, en 2011 (10 militaires tués et des avions détruits ou endommagés) a été revendiquée par le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), le mouvement taleb pakistanais. « Nous avons mené l’attaque contre l’aéroport de Karachi pour venger la mort de Hakimullah Mehsud (ndlr, l’ancien chef du TTP, tué par une frappe aérienne en novembre 2013) », a affirmé, à l’AFP, Shahidullah Shahid, un porte-parole. Mais à Reuters, le même homme a assuré que « l’objectif L’objectif principal de cette attaque était de nuire au gouvernement, y compris en détournant des avions et détruire des installations de l’État ».

Cet assaut donné contre l’aéroport de Karachi signe l’échec des tentatives de pourparlers entreprise par le gouvernement pakistanais, emmené par Nawaz Sharif, afin de mettre un terme à une vague de violence qui ensanglante le pays depuis 2007. Mais le porte-parole du TTP a avancé que ces discussions n’étaient qu’un « leurre visant à neutraliser les talibans ».

Pourtant, en mars, le TTP avait admis le principe d’un cessez-le-feu tandis qu’Islamabad s’engageait à suspendre les frappes aériennes réalisés dans les zones tribales, où trouvent refuge les jihadistes tout en se réservant le droit d’y avoir de nouveau recours le cas échéant. En mai, des raids de l’aviation pakistanaise (qui, curieusement, ont fait moins de bruit par rapport à ceux conduits par des drones américains), ont fait 60 tués environ parmi les insurgés dans le Nord-Waziristan.

Le TTP est une mosaïque de factions et il est parfois compliqué de s’y retrouver, d’autant plus que ces dernières peinent à s’entendre. Ces dernières semaines, une lutte fratricide entre deux d’entre-elles ont ainsi fait 90 tués. L’une, emmenée par Khan Said Sajna, considéré comme le dauphin de l’ex-n°2 du mouvement, Wali Ur-Rehman, tué par une frappe d’un drone, avait un différend avec celle dirigée par Sheher Yar, lequel revendique l’héritage d’Hakimullah Mehsud.  Ces dissensions ont conduit le chef du mouvement taleb pakistanais, le mollah Fazlullah, à interrompre les pourparlers de paix.

En attendant, suite à l’attaque de Karachi, les forces aériennes pakistanaises ont mené un nouveau raid dans les zones tribales. Mais il semblerait que sa finalité n’était pas de viser le TTP dans le Nord-Waziristan mais d’autres groupes implantés dans la région de Khyber, comme le Lashkar-e-Islam.

Les choses risquent de se compliquer davantage dans 18 mois, c’est à dire quand les troupes américaines auront totalement quitté l’Afghanistan, comme le président Obama l’a récemment annoncé. Là, les taliban pakistanais pourront disposer d’une base arrière et se réfugier derrière la Ligne Durand, qui sépare les deux pays.

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