À nouveau, un rapport du Pentagone avance que Pékin sous-estime ses dépenses militaires

Les rapports sur les capacités militaires chinoises que le Pentagone remet tous les ans au Congrès se suivent et se ressemblent. Ainsi, celui qui vient d’être publié le 5 juin  [.pdf] pointe une nouvelle fois le manque de sincérité du budget alloué par Pékin à l’armée populaire de libération (APL).

S’y retrouver dans les chiffres n’est déjà pas une chose aisée, étant donné qu’il faut prendre en considération les variations des taux de change. Cela étant, le rapport estime que les dépenses militaires chinoises ont dépassé, en 2013, les 145 milliards de dollars (106 milliards d’euros), soit 21% de plus que les 119,5 milliards de dollars (87,5 milliards d’euros) officiellement annoncés.

Cette différence s’explique, selon le Pentagone, par le fait que « budget militaire chinois publié omet plusieurs postes importants de dépenses comme l’achat de matériels et d’équipements étrangers ».

Cela étant, cette estimation est beaucoup plus précise que par le passé. Le rapport publié l’année dernière estimait que les dépenses militaires chinoises s’élevaient entre 135 et 215 milliards de dollars. Un haut responsable du Pentagone a expliqué que la dernière évaluation « reflète l’amélioration de notre compréhension de la manière dont la Chine bâtit son budget de défense ». Et d’ajouter : « Mais il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas sur ces dépenses et c’est un domaine dans lequel nous encourageons la Chine à être plus transparente ».

Quoi qu’il en soit, le rapport souligne que, de 2004 à 2013, le budget militaire chinois a connu une hausse moyenne de 9,4% par an. « La Chine a la solidité financière et la volonté politique pour soutenir la croissance de ses dépenses de défense à des niveaux comparables à l’avenir », y est-il écrit.

Comme d’habitude, Pékin a fermement démenti l’évalution du Pentagone. « Le ministère chinois de la Défense rejette en bloc » ce rapport qui « profère des accusations infondées en montant en épingle l’idée d’une menace militaire chinoise », rapporte ainsi l’agence officielle Chine nouvelle, tout en soulignant que le budget militaire américain s’élève à environ 500 milliards de dollars.

Mais comparaison n’est pas raison. Si les dépenses militaires américaines sont beaucoup plus élevées que celles consenties par Pékin, l’écart doit être relativisé. Par exemple, un militaire américain coûte plus cher qu’un soldat chinois (le niveau de vie n’étant pas le même dans les deux pays, les soldes ne le sont évidemment pas plus). Qui plus est, il faudrait chiffrer les économies réalisées par l’armée chinoise en matière de recherche et développement pour ses programmes d’armement grâce à l’espionnage industriel…. Et cela, sans parler des écarts des coûts de production d’un matériel.

Par ailleurs, les objectifs de l’armée chinoise n’ont pas changé, selon le rapport. Il s’agit toujours pour elle d’acquérir et de maintenir des capacités militaires en vue de se préparer à un conflit potentiel dans le détroit de Taïwan, notamment en dissuadant « l’intervention d’une tierce partie ». Mais l’ancienne Formose n’est pas la seule à faire l’objet de l’attention de Pékin : des efforts sont menés en vue de possibles conflits en mer de Chine, où les disputes territoriales impliquant Pékin sont nombreuses.

Le rapport du Pentagone note que la stratégie suivie jusqu’alors par Pékin, consistant à éviter une « confrontation directe avec les Etats-Unis » tout en affichant une volonté de « maintenir la paix et la stabilité » dans son voisinage immédiat, n’a pas empêché l’armée chinoise d’être impliquée dans des « frictions » avec des pays de la région, « y compris avec des alliés et des partenaires » de Washington. C’est ainsi le cas des Philippines et du Japon.

En outre, le document souligne que la préparation des forces armées chinoises met l’accent sur des « scénarios de combat réalistes et la capacité de mener des opérations mobiles à long terme ». L’APL mènerait également une réflexion pour de futurs changements dans sa doctrine militaire en poussant le concept d’opérations interarmées.

Parallèlement, l’armée chinoise participe de plus en plus souvent à des exercices militaires bilatéraux et multilatéraux, notamment avec son homologue russe. Ce qui lui permet, souligne le rapport, d' »améliorer ses capacités et d’acquérir des connaissances opérationnelles en observant les tactiques, les équipements et le commandement d’autres forces armées ».

Le rapport du Pentagone n’élude pas la forte implication de Pékin dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies. À la fin 2013, la Chine comptait 1.900 casques bleus engagés dans 10 missions, principalement en Afrique subsaharienne et au Moyen Orient. « Ce niveau est constant depuis 2008 et il est le plus élevé parmi les membres du Conseil de sécurité de l’ONU », affirme-t-il. Le pays « envisagera probablement d’augmenter sa participation dans de futures missions de maintien de la paix », estime-t-il.

Quant à l’évolution des capacités militaires de l’APL, le rapport souligne que le Second corps d’artillerie, l’unité qui contrôle la plupart des missiles balistiques conventionnels et nucléaires du pays, est en train de moderniser son arsenal, notamment avec de nouveaux engins à moyenne portée pouvant atteindre Taïwan mais aussi d’autres « cibles régionales » tandis que les forces terrestres mettent l’accent sur leurs capacités de projection.

La composante navale de l’APL, qui a aussi adopté le concept « d’opérations dans les mers lointaines », poursuit sa modernisation à marche forcée, avec l’entrée en service de nouveaux destroyers lance-missiles (ainsi que des frégates) et l’accent mis sur ses forces sous-marines. Ainsi, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) de classe Jin, doté de missiles balistiques nucléaires JL-2, pourrait effectuer sa première patrouille opérationnelle en 2014. Quant au groupe aéronaval constitué autours du porte-avions Liaoning, le rapport estime qu’il ne sera pas prêt avant 2015.

Enfin, les forces aériennes chinoises se modernisent, avance le rapport, « à une échelle sans prcédent » et se « réduisent rapidement l’écart avec leurs homologues occidentales » grâce à l’acquisition « d’un large éventail de capacités » (guerre électronique, transmission de données, etc..).

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