La Pologne se dit opposée à la vente de 2 BPC Mistral à la Russie

La vente de deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral à la Russie par la France pour 1,2 milliard d’euros n’a pas fini de faire parler. À plusieurs reprises, Washington a exprimé ses inquiétudes sur ce contrat auprès de Paris. D’autres pays, qui craignent d’être dans la ligne de mire de la Russie en raisons de leurs relations compliquées et/ou de leur histoire partagée avec cette dernière, s’y opposent. Comme la Pologne.

Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, a été très clair à ce sujet. À la question de savoir si la France devait livrer ces 2 BPC à la Russie, il a répondu : « Non, car les généraux russes ont déjà dit à quelle fin ils comptaient utiliser ces navires : pour menacer les voisins de la Russie dans la mer Noire. Et il s’agit de pays partenaires de l’Europe ».

Conçu selon des normes civiles, un BPC de type Mistral est navire de 199 mètres de long pour 32 mètres de large, avec un déplacement de 22.000 tonnes. Il combine à la fois les fonctions de porte-hélicoptères, de transport de troupes et d’hôpital flottant et permet ainsi la projection de forces, l’assaut amphibie, le soutien aux troupes déployées ou encore l’assistance humanitaire.

Après la crise russo-géorgienne d’août 2008, le commandant de la marine russe, l’amiral Vyssotski, avait avancé qu’un BPC lui aurait permis de projeter des forces « en 40 minutes au lieu de 26 heures ». D’où l’allusion faite par le ministre polonais.

Seulement, la portée des propos de l’amiral Vyssotski furent relativisés dans une étude publiée en juin 2011 par le le Lieutenant Commander Patrick Thomas Baker, de l’US Navy. « Le seul avantage significatif qu’un BPC Mistral apporterait à la flotte de la mer Noire serait sa capacité de contrôle et de commandement dans une opération terrestre à grande échelle », avait-il estimé. Car, s’il est question effectivement d’envahir la Géorgie, les forces russes disposent de bases en Abkhazie et en Ossétie du Sud et la marine russe dispose déjà de moyens amphibie. Aussi, ce n’est pas forcément en mer Noire qu’il faudrait regarder… mais sans doute dans l’Arctique, la zone Asie-Pacifique ou bien encore celle de la Baltique.

Quoi qu’il en soit, Radoslaw Sikorski a donné d’autres arguments contre la livraison à la marine russe de ces deux BPC. « Nous avons nommé la Russie comme l’agresseur en Crimée et je ne pense pas que la France aimerait être dans la position de fournir des armes efficaces à un agresseur », a-t-il expliqué. Et d’insister encore, plus loin : « Mais quand des pays s’emparent par la force d’une partie du territoire de leurs voisins, ce n’est pas le meilleur moment pour leur fournir un armement sophistiqué ».

Pour le moment, et même si Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, a évoquer l’annulation de ce contrat avant de se rétracter, la position française, exprimée par le président Hollande, et de dire que la livraison du premier BPC, appelé le « Vladivostok », est maintenu « pour l’instant ».

« Ce contrat a été signé en 2011, il s’exécute et il trouvera son aboutissement au mois d’octobre prochain. Pour l’instant il n’est pas remis en cause », avait-déclaré, en mai dernier, lors d’une conférence de presse donnée à Stralsund en Allemagne. Réagissant à la déclaration du ministre polonais, le porte-parole du Quai d’Orsey, Romain Nadal, a rappelé qu’un « contrat a été signé » et qu’il « doit être honoré ».

Cela étant,des propositions alternatives ont récemment été avancée pour éviter la livraison de ces navires, dont certains éléments sont fabriqués en Russie (comme par exemple la poupe du second BPC, le Sebastopol, attendue à Saint-Nazaire). Ainsi, le 30 mai dernier, trois élus du Congrès américain , estimant « crucial » que « les pays de l’Otan ne mettent plus à la disposition de la Russie d’armes puissantes qui lui permettraient d’accroître son pouvoir d’intimidation, ou même d’invasion de ses voisins », ont émis l’idée que ces navires soient acquis ou loués par l’Alliance.

Cela « enverrait un message fort au président Poutine : les alliés de l’Otan ne toléreront pas ou ne permettront en aucune manière ses manoeuvres téméraires », ont-ils plaidé. Seulement, cette idée a fait un flop. « C’est à la France de décider » de ce qu’elle entend faire de ces navires, a répondu Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l’Alliance atlantique.

Une autre option défendue par Claudia Major et Christian Mölling, deux chercheurs de l’Institut allemand pour la politique internationale et la sécurité SWP, consisterait à faire en sorte que l’Union européenne rachète ces deux BPC pour « résoudre le dilemme de la France » et relancer « l’Europe de la Défense ». Cette proposition n’a guère suscité d’enthousiasme, si ce n’est celui de Corinne Lepage, désormais ancienne élue du Parlement européen.

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