Un rapport dénonce la dégradation du soutien administratif des militaires

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Jusqu’aux années 2000, le soutien administratif des militaires était jugée très satisfaisant. Normalisé en 1882 après des siècles de tradition en la matière, il était même plus complet que celui apporté aux fonctionnaires civils, que ce soit en matière de recrutement, de soldes, d’intendance au sens large (habillement, restauration, hébergement) ou encore de santé, le suivi médical des personnels étant essentiel pour garantir leurs capacités opérationnelles. Et quand l’on n’a pas à régler des problèmes de paperasse, l’on est mieux concentré sur sa mission…

Comme le souligne le dernier rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), « l’administration ne doit pas être un problème. Elle est une condition de l’efficacité des forces armées ». Seulement, et selon ce document, qui donne des exemples concrets (page 15), le ressenti des militaires est que ce soutien administratif se dégrade, surtout depuis la mise en place des bases de défense et les dysfonctionnements de Louvois, le système de paiement des soldes, qui a des effets dévastateurs…

Avant cette mutualisation des soutiens incarnée par ces bases de défense, tout était plus simple. « Les relations entre les militaires et leur administration reposaient sur des contacts directs et personnels. Il était facile, pour les militaires qui souhaitaient obtenir une information ou régler un problème, d’identifier au sein de leur formation l’interlocuteur avec qui dialoguer en vis-à-vis », rappelle le rapport. Et ce qui était vrai dans un sens l’était aussi dans l’autre.

« Tous se connaissaient, pour avoir de multiples occasions de se rencontrer,partager la même ‘culture’ et travailler sous l’autorité d’un même commandant de formation qui pouvait en outre aisément intervenir, si nécessaire, pour faciliter en interne le règlement d’un dossier », poursuit-il. En clair, c’était l’illustration du concept : « Un chef, un mission, des moyens ». Et « cette grande proximité, géographique et culturelle, avait un coût et comportait beaucoup de redondances, mais elle était rassurante et efficace », peut-on lire dans le rapport du HCECM.

L’arrivée des bases de défense, interarmées,  a tout bouleversé. Si le document ne remet pas en cause leur nécessité en raison des économies qu’elles supposent, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas avare de critiques à leur égard. Plus précisément, ce qui est remis en cause est la façon dont elles ont été mises en place.

Mais tout de même… Ainsi, il est dit dans ce rapport que « les militaires rencontrés par le Haut Comité ont tous fait part de la déshumanisation et du flou qui caractérisent désormais les relations entre les militaires soutenus et le personnel administratif. Pour beaucoup, ‘le militaire est désormais un numéro de matricule ou un identifiant dans un SIRH' ».

Et d’insister : « La proximité physique n’existe plus, dès lors que le personnel administratif des GSBdD travaille dans des locaux éloignés des formations soutenues et que les différents bureaux ne sont généralement pas organisés pour recevoir individuellement les militaires soutenus. La plupart des militaires se reconnaissent lorsque l’un deux indique que ‘l’éloignement avec le GSBdD fait augmenter les délais de traitement. Il y a trop d’intermédiaires. La hiérarchie subit le système tout comme la base' ».

Il a aussi été fait part d’un autre problème : celui de la disparition progressive de la « proximité culturelle ». « Les militaires sont soutenus par du personnel qui ne connaît pas nécessairement les spécificités de leur vie quotidienne et ne relève pas de la même autorité hiérarchique », explique le rapport. « On peut avoir affaire à quelqu’un d’une autre armée qui connaît mal ou peu la réglementation du personnel qu’il doit gérer », explique un témoin cité dans le document.

Qui plus est, « dans les formations embasées, les militaires constatent au quotidien que l’encadrement n’a plus les moyens d’agir sur le soutien », relate le HCECM. Aussi, poursuit-il, « les chefs militaires ont de moins en moins la capacité à régler les problèmes rencontrés, ce qui se traduit par un affaiblissement à cet égard de la fonction de commandement ».

Quoi qu’il en soit, le Haut Comité estime que « le fonctionnement administratif actuel des armées et des services conduit les militaires, qu’ils soient soutenus ou soutenants, à endurer des situations difficiles. » En clair, tout le monde est dans la même galère, ce qui n’est pas sans incidence, comme l’on peut s’en douter, sur le moral des troupes. Pire encore : « le doute s’installe et la crédibilité de l’institution s’en trouve entamée », peut-on lire dans le document.

Le rapport critique ainsi « la mutualisation et l’interamisation » prévues au sein des groupements de soutien des bases de défense, qui « se sont révélées trop souvent n’être dans les faits qu’une juxtaposition de personnel et de procédures d’armées, car les conditions et les moyens préalables à leur réalisation n’ont pas été mis en place ». Et d’ajouter : « La surcharge de travail du personnel administratif et sa séparation des formations opérationnelles sont jugées dévalorisantes et démotivantes ».

En outre, le HCECM explique que les « restrictions budgétaires associées à la priorité donnée à l’opérationnel ont eu tendance à être appliquées au détriment de la modernisation et de l’efficacité du soutien ». Ce qui a fait que « les services de soutien, qui ont longtemps contribué à la modernisation des méthodes et des outils dans les domaines de la logistique et des prestations de service, ont finalement perdu l’avance qu’ils détenaient sur leurs homologues du secteur privé ».

« Si la réduction des effectifs a bien eu lieu, la mise en place des procédures et des outils qui devaient en permettre la réalisation sans dégrader la qualité du service rendu, ainsi que la formation du personnel, restent inachevées. Cette situation s’explique, certes à cause du rythme de la réforme, mais aussi parce que les moyens nécessaires à la réussite de cette transformation ont été sous-évalués. Dit autrement, le surcoût transitoire que nécessite à ses débuts toute réforme visant des économies sur le moyen et le long terme n’a pas été consenti, dénonce le HCECM.

Alors que faire, maintenant que l’on a cassé un outil qui était alors efficace et qu’il est difficile d’envisager un retour en arrière? Pour le Haut Comité, il est d’abord nécessaire d’engager un effort « rechercher une plus grande satisfaction des militaires soutenus » malgré les contraintes budgétaires « strictes qui pèsent sur le ministère de la Défense ».

Comment? En s’inspirant des « modèles de qualité existants », notamment au sein de l’administration française, en concentrant les efforts sur 3 domaines, à savoir l’accueil, l’information et la simplification (d’ailleurs, sans doute eût-il fallu commencer par là…), et, enfin, en préservant un soutien de proximité.

Faute de quoi, conclut le HCECM, il en ira « de la condition militaire sous tous ses aspects et de ses conséquences sur l’attractivité des missions confiées aux armées, la fidélisation, le moral, les conditions de vie quotidienne des militaires et de leurs familles, leur réinsertion dans la société civile mais surtout, en premier lieu, de leur efficacité opérationnelle ».

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