Quand un ancien chef de la CIA rend « hommage » à l’efficacité des services de renseignement français

Dans les années 1950-1960, le Service 7, dirigé par le colonel Leroy-Finville, s’occupait au sein du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage)d’intercepter tous les courriers qu’il jugeait utile à l’insu, bien évidemment, des destinataires. Ce type d’action était délicat, dans la mesure où, pour les missives diplomatiques, il était nécessaire de briser les scellés et de les reproduire à l’identique, tout faisant en sorte qu’il fût impossible de ne pas remarquer que les enveloppes avaient été ouvertes.

Depuis, le Service 7 n’existe plus… Mais sa réputation est restée intacte et nul doute que l’actuelle DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) s’emploie à en être la digne héritière. Du moins, c’est ce que l’on peut penser après les propos tenus par Robert Gates, un vieux routier du monde du renseignement (il a dirigé la CIA sous la président de Bush père et le Pentagone jusqu’en 2011).

Ainsi, d’après lui, il n’y a pas que la Chine qui peut être accusée de voler les secrets industriels (différents des secrets commerciaux) des entreprises américaines : la France serait très bien placée.

« Il y a certainement une quinzaine de pays qui volent notre technologie… Et les plus capables de cela après les Chinois, ce sont les Français, et ils le font depuis bien longtemps », a affirmé M. Gates, lors d’un entretien donné au Council on Foreign Relations. Et à l’ancienne, qui plus est.

S’adressant aux industriels présents, M. Gates leur a demandé : « Combien d’entre vous vont à Paris pour affaires?  Combien d’entre vous emportent leurs ordinateurs portables? et Combien d’entre vous prennent leurs ordinateurs portables pour diner? ». Et d’expliquer : « Pendant des années, les services de renseignement français sont entrés par effraction dans les chambres d’hôtel d’hommes d’affaires pour télécharger des informations sensibles sur leurs ordinateurs portables… Quand cela pouvait intéresser la France ou les entreprises françaises ».

Pour Robert Gates, en France, « le gouvernement et les entreprises avancent main dans la main depuis Louis XIV ». Aussi, a-t-il ajouté, « les Chinois ont probablement le système le plus répandu de collecte contre nous parmi tous les pays au monde, mais je pense qu’il est important de se rappeler qu’ils ne sont pas les seuls ».

Bien évidemment, après les révélations des écoutes de la NSA, cela peut faire sourire. Car selon l’ancien chef du Pentagone, « même s’il est difficile de croire cela, le gouvernement américain ne fait pas ce genre de chose… Nous sommes presque les seuls au monde à ne pas avoir recours à nos services de renseignement pour apporter un avantage concurrentiel à nos entreprises ».

Peut-être dit-il vrai pour les secrets industriels (mais le doute est permis). En revanche, pour ce qui est du secret des négociations commerciales, c’est autre chose. L’anecdote est connue : quand Edouard Balladur était Premier ministre, une de ces conversations téléphoniques avec le négociateur d’une entreprise française en Arabie Saoudite avaient été interceptée par la NSA. Il était alors question d’un contrat de 30 milliards de francs (4,5 milliards d’euros) portant sur la livraison d’Airbus pour Saudi Arabian Airlines… Finalement, mis au courant des discussions, Boeing et McDonnell Douglas remportèrent la mise. « Nous devons mettre autant d’énergie à conquérir des marchés que nous en avons dépensé pour gagner la Guerre froide », aurait d’ailleurs affirmé Warren Christopher, le chef de la diplomatie américaine lors du premier mandat de Bill Clinton.

(*) Le terme « hommage » utilisé dans le titre est évidemment ironique…

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