L’épopée héroïque de Roland Garros

garros-20140526Pour beaucoup, Roland Garros évoque les Internationaux de France de Tennis qui viennent d’ailleurs de commencer. Quel lien a-t-il avec les balles jaunes et à la terre la terre battue? Aucun… Si ce n’est le nom qu’il a donné au stade où se déroule la compétition.

En revanche, il y a un siècle, le nom de ce natif de l’île de La Réunion était synonyme d’exploits et de records… en aéronautique, alors naissante. Elève du Collège Stanislas, à Paris, il est contraint de poursuivre ses études à Cannes, puis à Nice, après avoir contracté une pneumonie. Sportif accompli (il est alors un adepte du football), il réussi son Baccalauréat en 1905 au lycée Janson de Sailly et entre ensuite à HEC, d’où il en ressort diplômé trois ans plus tard.

En 1909, Roland Garros se découvre une passion qui ne le quittera plus : l’aviation. Il achète son propre « aéroplane », comme l’on disait à l’époque, à savoir un appareil de type « Demoiselle Santos-Dumont », qui était le moins cher sur le marché. Comme il n’y a alors pas d’école de pilotage, il apprend à voler tout seul. En juillet 1910, il obtient le brevet n°147 de l’Aéro-Club de France et enchaîne ensuite une série d’exhibitions aériennes outre-Atlantique.

En 1911, Roland Garros échoue à chaque fois de peu à remporter trois grandes courses d’aviation (Paris-Madrid, Paris-Rome, Circuit européen), ce qui lui vaudra, comme Raymond Poulidor bien des années plus tard, et pour une discipline bien éloignée des courts de tennis (et qu’il a pratiqué assidument lors de son adolescence, mais sur piste), le surnom d' »Eternel Second ». Mais il finira par s’illustrer en décrochant  un record d’altitude (3.950 mètres) en septembre de cette année-là.

Par la suite, le jeune aviateur part pour l’Amérique du Sud, et en particulier au Brésil : il sera ainsi le premier à traverser en avion la baie de Rio, à survoler la forêt amazonienne en prenant des photographies et à relier São Paulo à Santos. Et il donne baptême de l’air aux officiers brésiliens, lesquels constitueront, plus tard, le noyau de la furture Força Aérea Brasileira.

De retour en France, Roland Garros participe à plusieurs courses aériennes prestigieuses, qu’il remporte. Fini le surnom d’Eternel Second! Et il s’attaque à d’autres records et porte celui d’altitude à 5.610 m. Entre-temps, il était devenu pilote officiel du constructeur Morane-Saulnier. Mais le fait marquant que l’on retient le plus est sans doute la première traversée en avion de la Méditerranée, le 23 septembre 1913, en reliant Fréjus à Bizerte (Tunisie).

Lors que la Première Guerre Mondiale, Roland Garros s’engage dans l’armée et rejoint l’escadrille MS23. Se pose alors le problème pour les aviateurs de l’époque de pouvoir tirer à traver l’hélice de leur avion. Avant le début des hostilités, bien des ingénieurs s’y cassèrent les dents. Les Britanniques trouvèrent une solution : monter la mitrailleuse sur l’aile supérieure d’un biplan, ce qui permettait de contourner l’obstacle. Mais ce n’était guère satisfaisant : comment, par exemple, recharger l’arme ou la débloquer dans le cas où elle s’enrayerait?

De son côté, Morane-Saulnier imagina de synchroniser le mouvement du percuteur de la mitrailleuse Hotchkiss avec le passage des pales de l’hélice (*). Malheureusement, les essais menés ne furent pas concluants. Pour autant, cette idée ne fut pas abandonnée et les recherches se poursuivirent à l’Etablissement aéronautique de Vincennes, commandé par le colonel Jean-Baptiste Estienne.

Là, en 1915, le commandant Charles Tricornot de Rose eut l’intuition de blinder les pales d’un hélice. Mais appelé à prendre la tête d’une unité au front, le colonel Estienne fit appel à Roland Garros. Aidé par ami Raymond Saulnier, l’aviateur se met alors à la tâche et finit mettre au point système simplifié de tir à travers l’arc de l’hélice.

Le résultat de cette innovation majeure est immédiat : Roland Garros abat, avec son monoplace, un Morane-Saulnier type L « Parasol », 3 avions ennemis en avril 1915. Mais, la série va s’interrompre provisoirement…

En effet, victime d’une panne, l’aviateur français est contraint d’atterrir derrière les lignes adverses et il n’a guère le temps d’incendier son avion avant d’être fait prisonnier. Et, mlheureusement, le dispositif qui équipait son appareil tombe intact aux mains des Allemands. Et ces derniers ne se priveront pas de le copier et de l’améliorer pour en doter le Fokker E III.

Surveillé de près, Roland Garros, qui passe pour être une forte tête, sera retenu prisonnier pendant près de 3 longues années, malgré plusieurs tentatives d’évasion… Mais l’obstination finit par payer : le 15 février 1918, avec le lieutenant Anselme Marchal, il réussit à fausser compagnie à ses géôliers déguisé en… officier allemand. Il se dit que l’aventure a inspiré le cinéaste Jean Renoir pour son film, « La grande illusion ».

De retour en France, Roland Garros ne songe qu’à une chose : reprendre le combat. « Je n’ai pas mis 3 ans à m’évader pour rester à l’arrière », dira-t-il. Auteur d’une étude dans laquelle il avait défini ce que devait être un avion de chasse monoplace, il aurait pu obtenir un poste en état-major. Et cela d’autant plus que, marqué par ses années de détention, il est devenu myope à tel point qu’il se fera faire des lunettes en cachette.

Après une remise à niveau pour apprendre les nouvelles techniques du combat aérien, le lieutenant Garros est affecté à la SPA 26, équipée de SPAD XIII. Le 2 octobre 1918, il remporte sa 4e victoire aérienne. Mais ce sera sa dernière. Trois jours plus tard, et alors qu’il s’apprête à fêter son 30e anniversaire, il décolle pour une mission de reconnaissance du front vers Saint-Morel, dans les Ardennes : il n’en reviendra pas.

Dans son édition du 8 octobre, le quotidien « Le Matin », écrit : « L’aviation française vient de perdre l’un de ses représentants qui l’ont le plus honorée avant et pendant la guerre. (…) Après une carrière inoubliable, héroïque, grandie par la science, le courage et la volonté, l’aviateur Roland Garros disparaît. Retourné au front il y a quelques semaones, il avait repris dans une escadrille de chasse la place qu’il avait sollicitée, voulue, après troius ans de dure captivité à Magdebourg (…) Samedi, dans la matinée, il menait une patrouille au-dessus du territoire occupé par l’ennemi. Une escadrille adverse barra la route. Au plus fort du combat violent qui suivit et au cours duquel Garros s’acharna, on vit tout à coup son avion tournoyer et descendre précipitamment vers le sol ».

(*) Le Fana de l’Aviation, HS n°53

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