Pour M. Le Drian, les armées sont « au seuil de l’acceptabilité sociale »

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, l’a dit et répété : la Loi de programmation militaire 2014-2019, qui prend en compte l’effort de redressement des comptes publics, calculée au plus juste, doit être respectée à l’euro et cela d’autant plus qu’elle repose sur plusieurs paris qui ne seront pas évidents à tenir, comme l’apport de recettes exceptionnelles (REX), par définition aléatoires, ou encore l’exportation de matériels emblématiques, comme le Rafale.

« Si une brique est absente, à ce moment-là, c’est l’ensemble de l’édifice qui tombe », avait-il affirmé, en octobre dernier, devant les commissions concernées de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Aussi, la moindre coupe dans le budget de la Défense, quel que soit son niveau, ne serait pas sans conséquences sur les capacités de l’armée française à mener à bien les missions qui lui sont confiées. D’où le courrier adressé le 9 mai par M. Le Drian au Premier ministre, Manuel Valls, pour le mettre en garde contre cette tentation bien facile et dont le Figaro a publié des extraits.

Dans cette lettre, il n’est pas question du « plan secret » de 2 milliards d’euros d’économies par an, évoqué par le député (UMP) Xavier Bertrand le 11 mai dernier, mais de l’exercice 2014, au titre duquel on apprend que le ministère de la Défense aurait à consentir un nouvel effort de 355 millions d’euros. Or, explique M. Le Drian, cette « annulation » de crédits se « cumulerait avec celle opérée fin 2013, à hauteur de 720 millions d’euros », pour laquelle les budgets d’équipements ont été principalement ponctionnés.

Aussi, et après avoir rappelé les engagements des forces françaises notamment au Mali et en Centrafrique, ainsi que les efforts qu’elles ont déjà consentis (preuve qle leurs crédits n’avaient pas été aussi « sanctuarisés » que ça),  M. Le Drian a expliqué que « la Défense ne peut absorber une perte de crédits en 2014, ni sur sa masse salariale, ni sur ces crédits de fonctionnement » car ces derniers se situent déjà « au seuil de l’acceptabilité sociale ».

En outre, a-t-il poursuivi, les contraintes financières « impactent l’entraînement des armées, déjà inférieur aux normes internationales » alors que les crédits d’infrastructures sont déjà « sous-dotés », ce qui l’oblige à « faire étudier actuellement un plan pour les réhabilitations les plus impérieuses ».

Sur le plan des équipements, M. Le Drian a parlé de conséquences « très lourdes ». Pour « éviter une dette insoutenable », a évoqué le report à 2016 de programmes « symboliques » prévus en 2014 et 2015, ce qui correpondrait à « un total d’environ 7 milliards d’euros de commandes non passées », avec des « conséquences industrielles désastreuses » et « des suppressions de milliers d’emplois et des pertes de compétences » dans les industries de défense.

Quant aux capacités militaires, « l’armée de terre serait sous-équipée et rapidement dans l’incapacité de satisfaire les nouveaux contrats opérationnels », a fait valoir M. Le Drian. Et, dans le domaine du renseignement, il faudrait revoir à nouveau les ambitions à la baisse, avec une menace sur les drones MALE (Moyenne altitude longue endurance), le programme CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) ou encore les avions légers de surveillance. Même chose pour le renouvelement des avions ravitailleurs, sans lesquels la dissuasion aéroportée serait impossible, de même que les interventions à l’extérieur.

En un mot comme en cent, la moindre ponction sur le budget des armées conduirat à « revoir le modèle capacitaire de la LPM avec un impact majeur sur l’emploi industriel ». En clair, ce serait le déclassement stratégique de la France (avec tout ce que cela suppose en termes diplomatiques et économiques) que le ministre et les chefs d’état-major ne veulent pas assumer (ces derniers sont prêts à remettre collectivement leur démission).

Mais M. Le Drian n’a pas fait que dresser un tableau apocalyptique : il a également proposé des solutions, comme le lancement d’une nouvelle tranche du programme d’investissement avenir (PIA), déjà sollicité pour abonder le budget 2014 de la Défense au titre des recettes exceptionnelles, en l’adossant à « des cessions d’actifs de participations publiques ». Sera-t-il écouté? On aura la réponse le 11 juin prochain, à l’occasion de la présention du projet de loi de finance rectificative.

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