M. Sapin assure que la Loi de programmation militaire sera respectée dans ses « équilibres globaux »

Depuis que le député (UMP) Xavier Bertrand a fait état d’un « plan secret » d’économies visant le budget de la Défense, c’est le branle-bas de combat : il a été dit que des chefs d’état-major seraient prêts à remettre leur démission, de même que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, tandis que les industriels de l’armement ont écrit au président Hollande.

Car, en l’état actuel des choses, il n’est pas possible d’aller encore plus loin dans les économies, étant donné que la Loi de programmation militaire (LPM), votée en décembre dernier, prend déjà en compte un effort conséquent des forces armées en faveur du redressement des comptes publics, avec une nouvelle déflation des effectifs, une baisse de la masse salariale et un étalement des programmes d’armement.

A combien se chiffrerait ce nouvel effort demandé au ministère de la Défense? Selon le quotidien Le Monde, deux scenarii circulent à Bercy. Le premier envisagerait une baisse de 3 milliards d’euros sur 3 ans et ramenerait ainsi le budget des armées à 30,4 milliards d’euros au lieu des 31,4 milliards annuellement prévus jusqu’en 2016. Le second est encore plus drastique puisqu’il est question non pas de 3 mais de 6 milliards au cours de la même période. En clair, ce serait le fameux « scénario Z » dont il était question l’an passé.

La règle de calcul retenue est simple : la Défense représentant 20% des dépenses de l’Etat, il suffirait de ponctionner son budget à hauteur de 20% des économies supplémentaires demandées. Et encore, un autre sujet d’inquiétude porte sur les recettes exceptionnelles attendue pour équilibrer cette LPM. Celles devant être tirées de la vente de fréquences hertziennes risquent de ne pas être au rendez-vous, ce qui reviendrait pour les armées à se passer de 6 ou 9 milliards sur trois ans.

Pour autant, le Premier ministre, Manuel Valls, a réfuté, lors de son passage à l’antenne d’Europe1 le 16 mai, toute menace sur la LPM tout en admettant, toutefois, de possibles « ajustements ». Le ministre du Budget, Michel Sapin, n’avait pas été plus clair la veille. Comme il ne l’a pas été non plus lors du Grand Jury RTL.

Interrogé sur de possibles coupes dans le budget de la Défense, M. Sapin a commencé par s’emporter. « Au moment où je dis, peut-être avec l’assentiment intellectuel des uns et des autres, ‘il faut financer en baissant la dépense publique et non en augmentant les impôts’, qu’est-ce que vous m’opposez? ‘Mais alors ce n’est pas possible dans tel secteur ou dans tel autre’. C’est extraordinaire (…) Parce que si les mêmes qui disent ‘ils faut baisser les dépenses’, à chaque fois qu’on propose une dépense à la baisse nous disent ‘non pas celle-là’, alors il y a, à un moment donné un petit problème. Il faut aussi que chacun soit honnête intellectuellement et ne pas considérer que la baisse, c’est toujours pour les autres », a-t-il affirmé (et l’on pourrait réponde que la baisse ne doit pas toujours être pour les mêmes… Passons).

Cela étant, le ministre du Budget n’a pas fait cette sortie pour les crédits militaires, même s’il a donné l’impression du contraire. « Je trouve que ceux qui se sont exprimés depuis une semaine sur cette question, sans savoir, sans avoir aucune connaissance, l’ont fait de manière totalement irresponsable », a-t-il dénoncé, en s’en prenant pariculièrement à Xavier Bertrand, ainsi qu’à tous ceux qui « ont embrayé derrière ». Et d’estimer que « l’on ne peut pas parler de ces sujets là avec de la démagogie ».

Alors quid de la Loi de programmation militaire? Eh bien, a assuré M. Sapin, elle sera respectée « dans ses équilibres globaux » car « c’est indispensable » et cela, même si des « adaptations » ne sont pas exclues.

« Les adaptations nécessaires, comme ça a toujours été le cas, seront des adaptations qui sont d’ailleurs prévues dans la loi de programmation. En 2015, il y a un rendez-vous pour voir où on en est dans l’application de cette loi. Les mécanismes d’adaptation seront demain comme hier utilisés normalement », a expliqué le ministre du Budget, sans donner plus de précisions (des adaptations étaient initialement prévues? Lesquelles?)

Sauf que ce « rendez-vous » n’est autre que la clause de revoyure, instituée non pas pour faire des « adaptations » à la baisse mais pour veiller à la sincérité de Loi de programmation militaire, dont aucune n’a véritablement été respectée à ce jour. Et le Sénat a même introduit une « clause de retour à meilleur fortune » pour « tenir compte de l’éventuelle amélioration de la situation économique et des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de l’effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l’objectif d’un budget de la défense représentant 2 % du produit intérieur brut ».

Lors de l’Université de la Défense, organisé à Pau en septembre dernier, le suivi de l’exécution de la LPM a été évoqué lors d’un atelier avec cette question : « la clause de revoyure ainsi que celle de sauvegarde des recettes exceptionnelles seront-elles en effet suffisantes? »

« Pour les parlementaires, tout dépendra d’abord de l’origine du dérapage. Si celui-ciest justifié, c’est-à-dire motivé par une détérioration de la situation économique, alorsil faudra en effet savoir composer. En revanche, si ce dérapage relève du seul arbitrage politique, alors les commissions feront usage du pouvoir parlementaire, c’est-à-dire de celui de voter le budget », peut-on lire dans le résumé qui en a été fait.

Cela étant, si effectivement il n’est pas question de toucher à nouveau aux crédits de la Défense, pourquoi ne pas le dire franchement? Est-il si facile de dire : « Les armées ont déjà consenti de gros efforts avec l’actuelle Loi de programmation militaire et, conformément aux engagements du président de la République, leurs crédits ne constitueront pas une variable d’ajustement budgétaire »? Apparemment, il faut le croire.

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