Coupes budgétaires : À l’Assemblée, M. Le Drian sous-entend que la Défense a déjà donné

ledrian-20140514Lors des questions au gouvernement, le député (UMP) Christophe Guilloteau a interpellé le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, sur les coupes budgétaires suceptibles de mettre en péril la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, dont « l’encre n’est pas encore sèche ».

Il faut dire que, la veille, le ministre des Finances, Michel Sapin, s’était quelque peu embrouillé dans sa réponse à une question posée sur le même thème par l’ancien ministre Xavier Bertrand, l’élu qui a mis ce débat sur la place publique.

« Vous nous parlez d’une diminution de 2 milliards par an pendant trois ans, si je fais un bon calcul, ça veut dire autour de 6 milliards de moins pour les crédits de la Défense par rapport à 30 milliards, le budget d’aujourd’hui! (…) Une diminution de 20% ? Il n’en est pas question. Vous employez des chiffres qui n’ont rien à voir avec la réalité », avait répondu M. Sapin, en se trompant sur le niveau du budget de la Défense, qui est de 31,4 milliards d’euros… (À moins qu’il ait déjà anticipé les coupes à venir?).

Sauf que le ministre des Finances a en quelque sorte cherché à noyer le poissons… Car les 6 milliards évoqués par M. Bertrand concernaient l’enveloppe globale prévue par la LPM (soit 190 milliards sur 5 ans). Comme le chef du gouvernement, Manuel Valls, le 11 mai, M. Sapin n’a en outre pas nié que le ministère de la Défense serait une nouvelle fois mis à contribution pour réduire les déficits. Mais il a toutefois indiqué que « toute réflexion sur l’avenir des crédits de la Défense » se placerait « dans le cadre de la loi de programmation militaire ».

Si l’on comprend bien, l’idée serait de supprimer des crédits aux forces armées dans les deux ans qui viennent puis de leur accorder des budgets supérieurs par la suite pour compenser, c’est à dire à partir de 2017. En théorie, les sommes prévues par la LPM seraient ainsi respectées. Sauf qu’en pratique, il en irait tout autrement. Cela reviendrait en effet pour la Défense à faire une avance de trésorerie, alors que, l’an passé, la Direction générale de l’armement (DGA) était à deux doigts de la cessation de paiement.

Et procéder de la sorte reviendrait à dire : « on va baisser votre salaire pendant deux ans et ensuite on vous augmentera pour compenser votre manque à gagner ». Mais les militaires confrontés aux dysfonctionnements de Louvois le savent bien : en attendant, il faut pouvoir vivre…

Aussi, la réponse de M. Le Drian à la question posée par le député Guilloteau était très attendue. Au premier abord, l’on pourrait penser que le ministre a cherché à botter en touche, car il n’a pas dit si oui ou non les armées allaient devoir se serrer le ceinturon à nouveau.

Mais en fait, la réponse du ministre aura été plus subtile et semble même avoir été adressée au Premier ministre et à son collègue des Finances. Ainsi, M. Le Drian a affirmé que l’actuelle LPM est une « loi d’équilibre » parce qu’elle « permet à la fois » les « missions de dissuasion et de protection du territoire » ainsi que les « interventions extérieures » tout en contribuant « au redressement des comptes publics ».

Pour rappel, en octobre 2013, devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, M. Le Drian avait expliqué « La loi de programmation vise en effet, d’une certaine manière, la quadrature du cercle : il fallait que la recherche et développement puisse se poursuivre, qu’il y ait des équipements nouveaux, et cela dans un contexte budgétaire contraint. Nous avons beaucoup travaillé, et atteint un équilibre tel que, si l’on enlevait une brique de l’édifice, il s’effondrerait ».

Aussi, pour bien faire passer le message lors de sa réponse à Christophe Guilloteau, M. Le Drian n’a pas manqué de rappeler les efforts consentis par les armées pour arriver à cet équilibre, avec « 34.000 suppressions de postes, une masse salariale réduite de 4 milliards, une réduction de commandes, par rapport au Livre blanc antérieur, d’environ 14 milliards d’euros et des restructurations parfois difficiles pour les territoires ». En clair, pour le ministre, la Défense a déjà donné. Et même beaucoup donné.

D’ailleurs, comme le soulignait le sénateur (UDI) Jean-Marie Bockel sur le plateau de Public Sénat, le 13 mai, si tous les ministères avaient réalisé les mêmes efforts que celui de la Défense, la situation financière de la France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, pour avoir une idée de l’état d’esprit du ministre de la Défense, il faut sans doute se tourner vers le député (PS) Gwendal Rouillard, qui fut son attaché parlementaire et conseiller municipal de Lorient, ville dont M. Le Drian a longtemps été maire.

Ainsi, via son blog, M. Rouillard s’est élevé contre de nouvelles coupes dans le budget de la Défense. « Ma conviction est que la France assume son rang grâce à l’action de notre armée et de nos entreprises de défense (…) Je souhaite clairement que la Loi de Programmation Militaire 2014-2019 soit respectée dans son intégralité. Comme chacun le sait, la corde budgétaire est déjà très tendue et la défense participe déjà fortement au redressement de nos comptes publics. (…) Notre armée est notre fierté. Nos engagements politiques et budgétaires doivent être à la hauteur de cette fierté que nous éprouvons à l’égard de nos soldats », a-t-il écrit.

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