Pour le chef d’état-major de la Marine, les sous-marins chinois ont réalisé des progrès sensibles

Pendant très longtemps, la Chine a accusé un énorme retard en matière de capacités sous-marines. Et cela pour au moins deux raisons : ce n’était pas la priorité de ses forces navales, dont la mission principale était de protéger les côtes chinoises d’une possible invasion et la Révolution culturelle porta un coup dur aux spécialistes de ce domaine.

Depuis, la Chine a adopté le concept « d’opérations dans les mers lointaines ». Et pour assurer la crédibilité de sa dissuasion nucléaire, il lui fallait disposer d’une capacité satisfaisante de seconde frappe, assurée par des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).

Ainsi, Pékin a lancé plusieurs programmes pour remédier aux insuffisances de sa marine, avec la mise en chantier de nouveaux submersibles; comme les SNLE des classes Jin (type 094) et Tang (type 096), destinés à remplacer l’unique navire de ce type en service (classe Xia, un exemplaire a été perdu en 1985) ou encore les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type 095 ou Shang/type 093.

En mars, l’amiral Samuel Lockhlear, le commandant des forces américaines pour la région Asie-Pacifique, avait ainsi insisté sur les progrès « significatifs » de la Chine en la matière, au point qu’elle pourrait disposer « pour la première fois d’une capacité de dissuasion en mer crédible probablement avant la fin de 2014 ». Et cette estimation n’est pas loin d’être partagée par l’amiral Bernard Rogel, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM).

« Pendant longtemps, la Chine a été considérée comme un acteur régional, sans capacité océanique. Il faut nous préparer à réviser ce jugement, et assez rapidement », a-t-il en effet déclaré devant les députés de la commission de la Défense.

« La marine chinoise est équipée d’un SNLE de type Xia depuis le début des années 80, mais on estime que celui-ci n’a jamais effectué de patrouille. En revanche, depuis 2007, elle s’équipe de cinq SNLE de type Jin », a rappelé l’amiral Rogel.

Or, a-t-il poursuivi, « pour évaluer les capacités opérationnelles d’un SNLE, en particulier l’aptitude à patrouiller, on s’appuie sur les capacités des SNA, en général plus faciles à observer ». Et là, a indiqué l’amiral Rogel, « si la valeur opérationnelle de la première génération de SNA, qui date des années 80, était jugée très faible, il en va tout autrement des tous récents SNA de type Shang qui sont crédités d’un remarquable niveau de discrétion acoustique ». L’un d’eux, a-t-il révélé, « vient de réaliser un déploiement de longue durée – 70 jours – en océan Indien, ce qui constitue probablement une première ».

D’où la conclusion du CEMM : « On peut donc raisonnablement en déduire que les SNLE de type Jin, qui sont de la même génération et utilisent probablement la même technologie que les SNA de type Shang, en sont aussi capables. On estime que les SNLE chinois commenceront leurs premières patrouilles d’ici la fin de cette année ou l’année prochaine ».

Quant au missile balistique embarqué à bord des SNLE chinois, il s’agirait, selon l’amiral Rogel, d’une version navalisée du JL-2, un engin intercontinental à combustion solide. Enfin, le CEMM a noté que « la Chine a récemment achevé la construction d’une gigantesque base sous-marine enterrée au sud de l’île de Haînan et susceptible de pouvoir accueillir une vingtaine de sous-marins ».

Par ailleurs, l’amiral Rogel a également évoqué les capacités sous-marines de la Russie. Soulignant que le budget russe de la défense va passer de « 48 à 79 milliards d’euros en 4 ans », il a rappelé que « les forces nucléaires font très clairement partie des priorités », ce qui n’est pas nouveau en soi.

Cependant, a-t-il continué, cette priorité « atteint aujourd’hui un stade de maturité inégalé depuis la fin de la Guerre froide », l’aboutissement du programme de nouveaux SNLE (ceux de la classe Boreï), dont 8 exemplaires seront mis en service, avec de nouveaux missiles (les Boulava). Dans le même temps, Moscou renouvelle ses SNA avec ceux de la classe Yasen. « Ces sous-marins sont crédités de performances proches de celles des meilleurs sous-marins occidentaux et la Russie a prévu d’en acquérir 12 », a-t-il relevé. Et c’est sans compter sur les submersibles à propulsion classique de la classe Kilo (projet 877/636) qui équiperont la Flotte russe de la mer Noire.

Cela « montre deux choses (…) :  la détermination sans faille depuis de longues années de la Russie à réacquérir une puissance de dissuasion crédible et puissante, malgré les difficultés économiques que le pays a connues après l’effondrement de l’Union soviétique (…) et la difficulté que représente la remontée en puissance d’une force de dissuasion crédible si on la met en sommeil ou sous cocon », a estimé l’amiral Rogel.

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