Les Nations unies sanctionnent trois responsables centrafricains

Mieux vaut tard que jamais. Il y a quelques semaines, la France et les Etats-Unis avaient proposé, au Conseil de sécurité des Nations unies, de sanctionner plusieurs personnalités centrafricaines pour leur rôle dans la crise que traverse actuellement le pays, dont l’ex-président François Bozizé,  Levy Yakété, coordinateur des milices anti-balaka et Nourredine Adam, numéro deux de la coalition ex-rebelle de la Séléka.

Seulement, ces sanctions ciblées, prévues par la résolution 2134 du 28 janvier 2014, ont tardé à trouver une traduction concrète, étant donné que la Russie et la Chine, deux membres permanents du Conseil, réclamèrent du temps pour examiner la question. Ce qui a pris plusieurs semaines…

Finalement, le Comité des sanctions, qui dépend du Conseil de sécurité, a décidé, le 9 mai, de sanctionner ces 3 personnalités centrafricaines. Ce qui passe par le gel de leurs avoirs ainsi qu’une interdiction de voyager à l’étranger.

Ainsi, il est notamment reproché à François Bozizé de s’être »livré » ou d’avoir « apporté un appui à des actes qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité de la République centrafricaine », en apportant un « appui matériel et financier à des miliciens qui s’emploient à faire dérailler la transition en cours et à le ramener au pouvoir ». L’ex-président centrafricain est accusé d’avoir, « en liaison avec ses partisans, encouragé l’attaque du 5 décembre 2013 contre Bangui » (ndlr, le même jour, les Nations unies autorisaient le lancement de l’opération française Sangaris).

Le Comité de sanctions ajoute que, depuis, François Bozizé  » a tenté de réorganiser de nombreux éléments des forces armées centrafricaines qui s’étaient dispersés dans la campagne après le coup d’État » et que « les forces qui lui sont loyales participent désormais aux représailles menées contre la population musulmane du pays ».

Quant à Levy Yakété, il est « accusé d’avoir ordonné l’arrestation de personnes ayant des liens avec la Séléka, commandé des attaques contre des opposants au Président Bozizé et recruté de jeunes miliciens pour agresser à la machette les personnes hostiles au régime » et rejoint « le Front pour le retour à l’ordre constitutionnel en Centrafrique (FROCCA), qui a pour objectif de ramener le Président déchu au pouvoir par tous les moyens nécessaires ».

Enfin, les faits reprochés à Nourredine Adam sont à la fois nombreux et d’une extrême gravité. Ayant été l’un des premiers dirigeants de la Séléka, il a joué un rôle déterminant dans la prise du pouvoir de cette dernière en mars 2013. Le Comité des sanctions précise que, « depuis la nomination de Catherine Samba-Panza comme Présidente par intérim, le 20 janvier 2014, il a été l’un des principaux artisans du retrait tactique de l’ex-Séléka à Sibut, avec pour objectif de créer un bastion musulman dans le nord du pays ».

Mais cela n’est rien à côté de la principale accusation dont il fait l’objet : Nourredine Adam « a préparé, donné l’ordre de commettre ou commis, en République centrafricaine, des actes qui violent le droit international des droits de l’homme ou le droit international humanitaire » (arrestations arbitraires, de tortures et exécutions sommaires, etc), indique le Comité des sanctions.

En outre, il a « apporté un appui aux groupes armés ou aux réseaux criminels par l’exploitation illégale des ressources naturelles ». Et le Comité d’ajouter : « Début 2013, Nourredine Adam a joué un rôle important dans les réseaux de financement de l’ex-Séléka.  Il s’est rendu en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis pour recueillir des fonds en faveur de l’ancienne rébellion.  Il a également agi comme facilitateur auprès d’un réseau de trafic de diamants tchadien opérant entre la République centrafricaine et le Tchad ».

Justement, la semaine dernière, un rapport de l’Organisation non gouvernementale américaine « Enough project » a pointé l’importance des trafics de diamants et d’ivoire dans le financement des groupes armés qui s’affrontent en Centrafrique. En fait, selon les éléments avancés par ce document, les tensions communautaires serviraient d’autres desseins, comme le contrôle de certaines ressources naturelles du pays.

« Quand l’alliance rebelle Séléka entra dans la capitale en mars 2013, elle était soutenue par des mercenaires et des braconniers lourdement armés et bien entraînés venus du Tchad et du Soudan, dont certains étaient issus des milices djandjawid soutenues par le gouvernement soudanais », affirme ainsi Kasper Agger, l’auteur du rapport. « Les rebelles Séléka et les combattants étrangers ont pillé et fait du trafic de diamants et d’ivoire pour payer des armes, du carburant, de la nourriture et leurs soldats », ajoute-t-il.

Ces ex-Séléka « utilisent la violence et les menaces contre les populations locales » et profitent pour s’enrichir « grâce à l’exploitation minière (diamants, ndlr) forcée, le vol et les achats à bas prix auprès des commerçants locaux ». Toujours selon lui, des milices anti-balaka « ont pillé et tué des membres de la communauté musulmane pour prendre le contrôle des zones riches en diamants de l’ouest de la Centrafrique ».

Les diamants seraient ensuite vendus à des commerçants locaux qui se chargent ensuite de les faire sortir de Centrafrique via des intermédiaires, « principalement dans le sud du Darfour, au Cameroun et en République démocratique du Congo ».

Or, depuis la chute du président Bozizé, la Centrafrique a été suspendue du processus de Kimberley, dont la présidence est actuellement assurée par la Chine. Ce dernier régit, depuis 2003, le commerce des diamants. Et, manifestement, cela n’a eu aucune incidence…

Aussi, Enough Project estime que « les Etats-Unis et la Chine devraient exhorter le Processus de Kimberley à envoyer une mission aux Emirats arabes unis, en Belgique (précisément à Anvers) et en Inde (c’est à dire les centres d’échange mondiaux, ndlr) pour enquêter sur le trafic de diamants de la guerre en provenance de Centrafrique » afin d’identifier « les individus et les entreprises contre lesquels (…) les Nations Unies pourraient émettre des sanctions ciblées ».

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