Pour le patron d’Airbus, les programmes internationaux d’armement sont une « horreur »

L’actualité de ces dernières années a été marquée par les surcoûts et les retards de plusieurs grands programmes internationaux d’armement, comme l’hélicoptère NH-90, l’avion de transport A400M « Atlas », l’Eurofighter ou même encore le F-35, dont le développement – et on a tendance à l’oublier – fait appel à plusieurs autres industriels, dont BAE Systems (1er niveau) ou encore Alenia Aeronautica (2e niveau).

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ces difficultés rencontrées lors de l’exécution de ces grands programmes d’armement. Lors d’une intervention devant l’Atlantic Council, un cercle de réflexion de Washington, le Pdg d’Airbus Group, Thomas Enders, en a donné quelques unes.

« Pour la majorité des acteurs dans l’industrie, les programmes multinationaux sont devenus une horreur parce qu’ils sont très, très difficiles à gérer sur le plan industriel et sur le plan politique », a-t-il ainsi affirmé, le 30 avril.

« Les seuls exemples positifs sont lorsqu’il y a un client principal et un industriel en position de pouvoir choisir librement les fournisseurs », a expliqué M. Enders. Celui du démonstrateur de drone de combat nEUROn en est un…

Fruit d’un partenariat entre la France, la Suède, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, et la Grèce, l’appareil donne pleinement satisfaction pour le moment. L’ancien patron de Dassault Aviation avait fait valoir, fin 2012, que plusieurs conditions avaient été réunies pour permettre ce succès, dont « le soutien financier des Etats, une organisation simple et claire, avec une seule agence gouvenementale pour interlocuteur et un maître d’oeuvre unique ». Seulement, même avec tous ces ingrédients réunis, ça ne marche pas toujours…

Pour appuyer son propos, M. Enders a pris les exemples du NH-90 et de l’A400M. Le premier, produit par le consortium NH Industries, réunissant Airbus, Fokker et AgustaWestland, a été commandé par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Australie. « Nous avons plus de versions que de clients nationaux, imaginez comme cela est efficace », a-t-il commenté.

Quant à l’A400M, un temps menacé par des surcoûts et des retards à répétition, il a fallu près de 10 ans pour que les 7 pays partenaires (France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg et Turquie) se mettent d’accord avec Airbus pour le sauver in extremis.

« Une partie de ces difficultés est due au choix d’imposer un consortium européen qui n’avait aucune expérience pour développer les moteurs de l’appareil au lieu de décider de s’en remettre à un fournisseur expérimenté, mais extérieur », a souligné M. Enders.

« Après de nombreuses années dans le secteur, je suis déterminé, en tout cas pour ma société, à ne jamais plus me lancer dans un tel programme consciemment », a averti le patron d’Airbus, alors qu’il est question d’une collaboration de l’industriel européen avec Dassault Aviation et Finmeccanica pour la production d’un drone MALE (Moyenne altitude longue endurance) à l’horizon 2020.

Tant qu’il y était, Tom Enders a eu quelques mots peu aimables à l’égard de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (Occar), un organisme intergouvernemental dont l’existence vise justement à faciliter la gestion des grands projets en matière de défense.

Pour lui, cette dernière est « inefficace » pour gérer les programmes d’achats d’armement en Europe. « Mais les pays maintiennent un contrôle étroit sur l’Occar, les directeurs nationaux pour les acquisitions surveillent jalousement l’Occar pour qu’elle ne devienne pas réellement efficace », a-t-il dénoncé.

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