La Gendarmerie a-t-elle été victime d’un canular sur les réseaux sociaux?

Il y a quelques jours, la Gendarmerie nationale a relayé sur sa page Facebook et son compte Twitter une images diffusée à l’origine par les gendarmes du Cher reproduisant différents signes cabalistiques utilisés par les « cambrioleurs » pour repérer les logements à « visiter ».

« Aujourd’hui, nous partageons un post de la gendarmerie du Cher qui fait de la prévention en matière de cambriolage. Elle nous alerte sur les signes, plus ou moins discrets, laissés par des cambrioleurs, lors de leurs repérages, sur la façade, le portail, la boîte aux lettres ou un endroit visible à l’extérieur des habitations. Ces signes particuliers indiquent si la maison est inhabitée, contient de l’argent, est protégée par une alarme, un chien, si elle est occupée par une femme seule, etc! Dénoncer ces signes peut permettre d’éviter le passage à l’acte.  Alors, si vous remarquez un signe particulier tagué/gravé aux alentours d’un logement, que ce soit le votre, celui d’un voisin ou autre, prévenez immédiatement les forces de l’ordre en composant le 17! », indique le message de la Gendarmerie, qui précise aussi que « certains malfaiteurs utilisent d’autres moyens de repérage en déposant des objets tels que des enjoliveurs, des pierres, etc. »

La gendarmerie du Cher a en outre fait savoir que ces signes « ne sont pas définitifs » car « ils varient » de même que leur signification. Aussi, l’image a été diffusée « juste à titre informatif », l’important étant de « signaler tout événement inhabituel ».

Quoi qu’il en soit, cet appel à la vigilance a fait l’objet de plus de 39.000 partages sur le réseau social. Seulement, pour certains, les gendarmes n’aurait fait que reprendre qu’un vieux canular, déjà taillé en pièces il y a deux ans par le site Hoaxbuster, spécialiste de la chasse aux rumeurs sur Internet.

« Au XVe siècle, on parlait déjà de signes que les incendiaires marquaient sur les maisons de leurs futures victimes et le criminologue Hans Gross consacre plusieurs pages de son ‘Manuel pratique d’instruction judiciaire’ aux signes utilisés par les malfaiteurs et les vagabonds. L’amalgame a été vite fait entre cambrioleurs, vagabonds (hobos) et bohémiens. (…) Il s’agit maintenant d’un « marronnier » pour la presse qui parle de ces signes au moment des vacances (…). Les entreprises d’alarmes et de sécurité en font également état dans leurs prospectus », avait alors expliqué à Hoabuster le sociologue Jean-Bruno Renard, pour qui ces signes « sont maintenant clairement une légende urbaine ».

Toutefois, le site avait prudemment conclu son enquête en écrivant que « si l’on ne peut nier l’existence de ces signes, les attribuer à des cambrioleurs et/ou à des Gitans est un raccourci facile et dont la preuve n’a jusqu’à présent pas pu être produite. (…) Ceci dit, effacer toutes les marques douteuses, comme le conseille la Gendarmerie française, ça ne coûte rien qu’un peu d’eau… » En outre, les intervenants sollicités par Hoaxbuster axèrent quasiment tous leur intervention sur les Roms, oubliant au passage la trés structurée mafia géorgienne

En juin 2012, les gendarmes de la Section de recherches de Limoges et Office centrale de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), avec l’appui d’Interpol et d’Europol interpellèrent 21 membres du clan Vory v zakone, responsable de pas moins de 200 cambriolages en Limousin et dans une vingtaine de départements, en particulier dans zones pavillonnaires. « Très organisés, ils agissaient sous les ordres de cinq ou six chefs et laissaient à quatre receleurs le butin afin qu’il l’écoule, notamment en Belgique », expliquait, à l’époque, une source proche de l’enquête. Ces criminels utilisent-ils des signes pour repérer les maisons à cambrioler?

Quoi qu’il en soit, plusieurs internautes ont commenté l’image diffusée par la Gendarmerie nationale. Certains ont repris l’article d’Hoaxbuster pour critiquer vertement les gendarmes (on peut expliquer et dialoguer sans tomber dans l’outrance à chaque fois… Tout le monde y gagnerait). D’autres ont confirmé avoir vu des signes de ce type après s’être fait cambrioler.

Contactée par Metro News, la Gendarmerie a confirmé l’existence de ces signes. Ils « existent, nous les retrouvons sur le terrain et ils sont confirmés lors des auditions des cambrioleurs », a-t-elle fait valoir, même si elle a admit que la « nomenclature était peut-être à revoir ». Et de préciser : « Il y a en effet eu des rumeurs qui servaient à stigmatiser des communautés. Mais en publiant cette nomenclature, nous ne ciblons personne ».

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