ThyssenKrupp cherche à céder ses chantiers navals suédois à Saab

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Consolider l’industrie européenne de l’armement afin d’éviter les doublons, optimiser les budgets de recherche et de développement ou encore pour être plus efficaces à l’exportation… Sur le papier, l’idée peut paraître séduisante (sauf pour un libéral qui y verrait une atteinte au principe de la libre concurrence).

D’ailleurs, plusieurs regroupements d’entreprises (Airbus Group, MBDA) donnent satisfaction, même si parfois il y a quelques tiraillements. Mais, le plus souvent, elle se heurte à des logiques nationales, ce qui est compréhensible dans la mesure où il s’agit d’un secteur où les Etats entendent conserver leur mainmise. Et l’affaire du chantier naval suédois Kockums, spécialiste de la conception de sous-marins, n’est pas faite pour changer les mentalités à ce sujet.

Cette parenthèse de l’histoire que fut la Guerre froide refermée, la Suède considéra que la production des sous-marins avait perdu de son importance stratégique. En 1999, Stockholm laissa donc le groupe allemand HRW, puis ThyssenKrup Marine Systems (TKMS) mettre la main sur le chantier naval Kockums, qui, jusqu’alors, avait produit les sous-marins en service dans la marine suédoise.

Seulement, l’attitude de la Russie à l’égard de l’Ukraine et, auparavant, la simulation d’un bombardement de bases aériennes suédoises par des appareils frappés de l’étoile rouge lors de la Pâques 2013, ont changé la donne au point que Stockholm réévalue désormais sa politique de défense. Et la construction de sous-marins reprend toute son importance.

Sauf que, depuis son rachat, Kockums, rebaptisé Swedish Shipyard ThyssenKrupp Marine Systems, a été marginalisé au sein du groupe TKMS. Alors qu’il envisageait de proposer son sous-marin A-26 de nouvelle génération à Singapour, Etat à qui il avait déjà vendu 4 submersibles de la classe Sjöormen et deux autres de type Västergötland, le chantier naval suédois s’était vu interdire l’accès à cet appel d’offres par sa maison-mère, qui comptait soumettre son U-218. Même chose pour un éventuel contrat en Australie, à qui il avait vendu 6 sous-marins de la classe Collins.

En clair, en mettant la main sur Kockums, TKMS n’a pas cherché des synergies mais à neutraliser un concurrent. Avec toutes les conséquences que cela suppose… Privé de contrat à l’exportation, cantonné à des tâches de maintenance susceptibles d’être confiées à une autre filiale du groupe allemand, l’avenir du chantier naval est menacé. De même, donc, le savoir-faire de la Suède en matière de construction de sous-marins, redevenue stratégique pour Stockholm.

En octobre dernier, The Local, un quotidien suédois publié en anglais, écrivait que cette politique « TKMS über alles » n’était rien d’autre qu’une tentative de « couler l’industrie suédoise ».

Face à cette situation, et alors qu’il est question pour la marine suédoise d’acquérir deux sous-marins de type A-26 et de moderniser deux Gotland plus anciens, Stockholm a poussé l’industriel Saab à entrer dans la danse en lui demandant de réaliser une étude pour savoir s’il était en mesure de faire ce travail. Pour cela, ce dernier a cherché à débaucher des ingénieurs de Kockums pendant que TKMS offrait des primes pour inciter le personnel à rester au sein du chantier naval.

Et, la semaine passée, le gouvernement suédois a annulé sa commande de deux A-26 ainsi que celle portant sur la modernisation des 2 Gotland passées auprès de Kockums, considérant que le chantier naval ne serait pas en mesure de les honorer, alors que, quelques jours plus tôt, TKMS avait présenté un compromis en proposant de transférer en Suède des capacités de production de son site de Kiel.

Dans le même temps, la Försvarets de materielverk (JVM) a opéré une descente à Malmö, où est implanté Kockums, pour mettre la main sur des équipements technologiques sensibles, a priori concernant le sous-marin A-26, dont les plans appartiennent au ministère suédois de la Défense.
Ce bras de fer est-il à l’origine de la décision de TKMS de se séparer de son chantier naval suédois? Officiellement, selon le communiqué annonçant cette éventuelle opération, le groupe allemand affirme qu’il s’agit de rationaliser son portefeuille d’actifs (il a subi des revers aux Etats-Unis) et de concentrer ses activités navales sur les sites de Kiel, d’Hambourg et d’Emden, lesquels ont « un carnet de commandes fourni, lequel assure l’activité et l’emploi jusqu’à 2020 ».

La décision de TKMS va en tout cas dans le sens voulu par les autorités suédoises étant donné que Kockums pourrait être cédé à Saab. Les négocations sont encore « à un stade préliminaire » a indiqué le groupe allemand, qui explique avoir proposé « une solution constructive, qui assurerait les structures industrielles en Suède et les emplois des 900 salariés », tout en veillant au respect du principe de préférence nationale de Stockholm.

De son côté, Saab a assuré que cette opération lui permettrait de « satisfaire ses ambitions » dans le secteur de l’armement naval.

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