La France a-t-elle anticipé la crise entre l’Ukraine et la Russie?

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) [pdf] publié en 2013 avait souligné la croissance rapide des dépenses militaires de la Russie tout en observant que le « réchauffement » de ses relations avec les Etats-Unis et les autres pays occidentaux » n’avaient « pas encore atteint tous ses objectifs ».

Et de préciser que « la Russie se donne les moyens économiques et militaires d’une politique de puissance » mais que cette mise en œuvre reste cependant incertaine » étant donné que « la crise de 2008 et aujourd’hui l’essor des hydrocarbures non-conventionnels » la « soumettent aux aléas du marché de l’énergie, alors que les exportations énergétiques et de matières premières continuent de représenter une part importante de l’économie russe ».

« Le difficile équilibre qui prévaut aujourd’hui, pour la France comme pour l’Europe, entre toutes ces dimensions de la relation avec la Russie est probablement appelé à durer. La France a fait de la coopération étroite avec Moscou un de ses objectifs politiques pour la déclaration du Sommet de Chicago de l’Otan », pouvait-on encore lire dans ce document de référence.

« L’Union européenne est désormais dans une situation de voisinage avec la Russie, certains de ses membres partageant avec elle une frontière commune. La consolidation de la stabilité aux marges orientales de l’Europe, sur la base de relations de coopération avec la Russie dans le cadre des principes solennellement posés il y a plus de vingt ans par la Charte de Paris, est un enjeu essentiel pour la sécurité de l’Europe, et donc de la France », y était-il estimé.

Or, avec les développements récents en Ukraine, la donne a changé avec Moscou. Pourtant, dans un document publié en 2012, la Délégation aux Affaires stratégiques (DAS) avait fait preuve d’une certaine clairvoyance, prévoyant quelques problèmes avec la Russie si « à la faveur du développement d’une politique orientale » allemande « renouvelée », l’Ukraine et la Biélorussie se décid(ai)ent à engager « un rapprochement de fond avec l’Union européenne ».

Mais, nous apprend le quotidien Le Figaro, les rédacteurs du LBDSN ont cependant étudié « 12 scénarios stratégiques » qui n’ont pas été intégrés dans ce document de référence pour des « raisons diplomatiques » (cela dit, ne pas révéler la nature de certains travaux permet aussi de garder le mystère sur ses intentions).

Ces scénarios étaient en fait des « typologies de crise », classés de 1 à 12 selon leur degré de gravité, allant de la catastrophe humanitaire au risque de guerre majeure. Les modèles 7 et 8, toujours d’après Le Figaro, impliquaient la Russie. L’un évoquait une « agression indirecte » contre un pays de l’Otan ou de l’Union européenne via des opérations de déstabilisation et de subversion, comme c’est actuellement en Ukraine (qui n’appartient à aucune des deux organisations citées). L’autre parlait d’une « agression limitée » lancée par Moscou ou Téhéran en vue de prises territoriales.

L’un des participants à ces travaux, un « expert respecté », a confié au journal – et c’est le plus intéressant – que « ceux qui voulaient inclure la Russie dans ces scénarios étaient minoritaires ». Et cela pour trois raisons, selon lui.

Primo, cela aurait eu des « implications capacitaires déplaisantes » alors que l’objectif était « explicitement aux réductions budgétaires », lesquelles sont allées « beaucoup trop loin ». « Si les Français et les Britanniques ont un outil expéditionnaire performant, ils ne sont plus en état de gérer des hypothèses de haut de spectre », a-t-il confié au Figaro.

Secundo, certains se refusaient à voir la Russie comme pouvant être un « danger » était donné que l’heure était à la recherche d’une « coopération étroite avec Moscou », comme l’a d’ailleurs souligné le LBDSN . Tertio, « beaucoup de gens ne voulaient plus penser ce type de scénario de défense territoriale, écartant l’idée que la possibilité d’une guerre sur le continent, même limitée, est toujours présente ».

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