Asie-Pacifique : La France doit être capable « d’agir militairement » face à une menace pouvant affecter sa sécurité

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L’on pourrait penser que le conflit entre la Chine et le Japon au sujet de quelques « cailloux » perdus en mer de Chine orientale ne concerne pas l’Europe en général et la France en particulier. Eh bien l’on aurait tort.

« Notre prospérité est liée à celle de l’Asie, toute crise dans cette zone affecterait nos intérêts », a ainsi fait valoir Philippe Errera, le directeur aux affaires stratégiques (DAS), le 10 avril dernier, à l’occasion de la publication d’une brochure présentant la politique de défense et de sécurité de la France en Asie-Pacifique, à l’Hôtel de la Marine à Paris. Etaient également présents, Nicolas Regaud, l’adjoint du DAS, et général Maurin, adjoint au sous-chef plan relation internationale de l’Etat-major des armées (EMA).

« La place de l’Asie dans notre environnement tient aussi à notre exposition à des menaces communes – telles que la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, le terrorisme international ou la piraterie – ainsi qu’à des risques dont les effets ne connaissent pas de frontières (les catastrophes naturelles, sanitaires ou technologiques) et parce que toute crise ou conflit dans l’un des deux continents affecterait immanquablement les intérêts de l’autre, au sens large. Malgré la distance qui sépare nos continents, notre sécurité comme notre prospérité sont désormais inséparables », a rappelé Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, dans la préface de ce document.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013 avait largement évoqué les enjeux de la zone Asie-Pacifique, laquelle « joue un rôle déterminant dans la mondialisation » et qui constitue aujourd’hui « le principal foyer de croissance du monde, mais aussi l’une des régions où les risques de tensions et de conflits sont les plus élevés ».

Mais par rapport aux autres pays européens, la France a une position particulière en Asie-Pacifique dans la mesure où elle y détient plusieurs territoires, dont la protection, ainsi que celle de leurs habitants (500.000 dans la Pacifique, 1 millions dans l’océan Indien) constitue une « obligation première ».

Qui plus est, l’Asie-Pacifique a vu le nombre de ressortissants français partis s’y établir grimper de 220% en 20 ans. Comme le souligne la brochure éditée le ministère de la Défense, 120.000 Français vivent désormais dans cette région, « soit presque autant que la population française résidant en Afrique subsaharienne ». Et la France a également « le devoir d’assurer la protection de ces derniers ».

En outre, si la France dispose du second domaine maritime mondial après celui des Etats-Unis, avec 11 millions de km2, elle le doit à ses possessions dans le Pacifique (62%) et dans l’océan Indien (24%). « Elle est responsable de cet environnement fragile et des immenses ressources halieutiques, minérales et énergétiques qu’il recèle », souligne le document de la DAS.

Sur le plan économique, la région Asie Pacifique représente 32% des importations et 36% des exportations françaises et les stocks d’investissement directs de la France dans cette zone était de l’ordre de 75 milliards de dollars en 2012. Aussi, la sécurité des voies maritimes vers l’Asie est d’une importance stratégique.

A cela, l’on peut aussi ajouter les débouchés pour l’industrie française de l’armement. Le marché asiatique a représenté 28% des exportations de cette dernière sur la période 2008-2012, notamment grâce à des partenariats avec l’Inde, la Malaisie et Singapour. Sans doute ces chiffres auraient-il été plus élevés encore s’il n’y avait pas eu une sombre histoire de frégates à Taïwan….

« La politique d’exportation d’équipements de défense de la France et la mise en oeuvre de coopérations industrielles et techniques constituent un instrument remarquable au service des partenariats stratégiques et des relations globales que la France s’attache à développer. En raison de la nature particulière de ces équipements, la vente d’armement français à un État étranger n’est jamais une décision purement technique ou commerciale; elle obéit à des considérations d’ordre politique et stra­tègique et vient couronner une relation de confiance entre partenaires. La politique d’exportation de la France est également fondée sur des principes de transparence, de protection des droits humains, de stabilité internationale et d’éthique », explique la brochure.

Par ailleurs, et c’est sans doute peu connu par le grand public, Paris a plusieurs engagements en Asie Pacifique, notamment avec le traité de paix avec le Japon (dit de San Francisco), signé en septembre 1951 ou encore la convention d’armistice en Corée (1953), qui fait que la France est membre du Commandement des Nations unies et participe à la Commission militaire d’armistice (UNCMAC). En outre, Paris a été signataire du traité de sécurité collective en Asie du Sud-Est (traité de Manille) ainsi que du traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est (traité de Bali).

Pour toutes ces raisons, MM. Errera et Regaud ainsi que le général Maurin estiment que « nous devons être en mesure de surveiller, de prévenir et d’agir militairement face à une menace qui porterait atteinte à l’intégrité de notre sécurité », dans cette partie du monde, en soulignant le souhait de la France d' »aider les pays de la zone Asie-Pacifique à renforcer leur souveraineté ».

Quant aux moyens français présents dans cette région, il est écrit dans la brochure du ministère de la Défense qu’ils sont « adaptés aux besoins de défense et de sécurité », avec plus « de 2.500 militaires (…) 2 frégates de surveillance, 3 patrouilleurs, 4 avions de surveillance maritime, 4 avions de transport tactique et une demi-douzaine d’hélicoptères ». Vu la surface à surveiller, cela paraît tout de même un poil léger…

« Le dispositif global sur place sera maintenu. Malgré des réductions d’effectifs, il ne s’agira pas de faire moins mais autrement en agissant partout où cela sera nécessaire », a indiqué le général Maurin, insistant sur le fait qu’il n’y aura pas de « changement de posture » dans cette zone.

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