Le Pentagone demande près de 80 milliards de dollars pour financer ses opérations extérieures en 2015

Qui paye? Le contexte économique actuel étant ce qu’il est, on entend souvent cette question depuis le lancement de l’opération Sangaris en Centrafrique. Il faut dire que le mode de financement des surcoûts liés aux opérations extérieures (opex) est un tantinet compliqué…

Tout d’abord, l’on ne parle pas de coûts mais de surcoûts des interventions militaires, c’est à dire que sont considérées toutes les dépenses supplémentaires qui n’auraient pas été faites si les armées n’avaient pas été engagées sur un théâtre d’opérations extérieur (essence, primes, munitions, l’usure des matériels n’étant pas prise en compte).

Chaque année, le budget du ministère prévoit une ligne de crédits pour financer ces opérations. En 2013, son montant s’est élevé à 630 millions. Or avec l’intervention au Mali, cette enveloppe s’est avérée largement insuffisante (comme toujours d’ailleurs) de 578 millions d’euros. Du coup, il a été fait appel à la réserve de précaution ministérielle, laquelle a également servi à couvrir d’autres dépenses (mesures pour l’emploi, aide médicale d’Etat, etc…) pour un total de 3 milliards.

Opération comptable blanche pour le ministère de la Défense? Pas exactement… Car il faut bien abonder cette réserve de précaution ministérielle. Et les armées y ont contribué à hauteur de 650 millions d’euros… Le ministre, Jean-Yves Le Drian, a obtenu 500 millions de recettes exceptionnelles (REX) supplémentaires pour 2014 à titre de compensation. Mais il n’empêche, les crédits annulés en 2013 ne sont plus dans ses caisses en attendant.

Mais plus généralement, est-il normal qu’il revienne aux armées de financer les surcoûts des opérations extérieures qu’on leur demande de faire au nom de la France? Ces interventions ne devraient-elles pas faire l’objet d’un budget spécifique? Aux Etats-Unis, par exemple, l’approche est totalement différente…

Ainsi, le Pentagone dispose de son budget de base, qui devrait s’élever à 496 milliards de dollars en 2015 (le chiffre pourrait changer après examen au Congrès) auquel vient s’ajouter une ligne de crédits spécifique, qui, appelée « Overseas Contingency Operations (OCO) », sert à financer les interventions extérieures des forces américaines ainsi que des actions du département d’Etat de l’agence de développement et d’assitance USAID.

Pour la prochaine année fiscale (1er octobre 2014 – 30 septembre 2015), et au titre des OCO, le Pentagone a donc demandé une enveloppe de 79,4 milliards de dollars pour financer ses dépenses liées au conflit afghan. Soit 5 milliards de moins, seulement, par rapport ce qui avait été souhaité un an plus tôt, alors que les forces américaines auront terminé leurs opérations de combat en Afghanistan d’ici le 31 décembre et que Washington n’a pas la certitude, encore, de pouvoir y laisser un contingent réduit afin d’assister les forces de sécurité afghanes après cette échéance.

Certes, le retrait du théâtre afghan coûtera cher (entre 5 et 7 milliards, dit-on…). Mais cela n’explique pas la raison pour laquelle le Pentagone a demandé autant d’argent. « Ce maintien d’un important budget dédié à la guerre en Afghanistan (lui) permet de s’affranchir à bon compte du plafond imposé par le Congrès au budget de la Défense », a ainsi expliqué Todd Harrisson, spécialiste du budget au Center for Strategic and Budgetary Assessments (CSBA), implanté à Washington. « L’exécutif et le Congrès sont disposés à l’utiliser pour limiter l’impact de coupes automatiques » imposées au « budget de base » des forces armées américaines, a-t-il ajouté.

Ce passe-passe comptable permet ainsi de financer une partie des frais de maintenance des matériels utilisés en opération par les forces américaines. Et il a, selon Todd Harrisson, « largement compensé la réduction du budget de base due aux coupes automatiques » liées à la séquestration, imposée par la mésentente au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette des Etats-Unis. Pour 2015, ces contraintes budgétaires seront épargnées au Pentagone, suite à une accord entre républicains et démocrates.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]