Le ministère de la Défense annonce une enquête sur le harcèlement sexuel et la discrimination au sein des armées

Le livre « La guerre invisible« , dont l’objet est de dénoncer les violences dont seraient les femmes au sein de l’armée, a l’honneur des médias ces derniers jours. Il est en effet souvent question de ce type d’affaires aux Etats-Unis, voire en Allemagne, où 55% des personnels féminins de la Bundeswehr ont affirmé, lors d’une enquête, avoir subi au moins l’une des quatre formes de harcèlement (blagues salaces, agression sexuelle, exposition à de la pornographie, contacts physiques imposée).

L’armée allemande compte 11% de femmes parmi ses effectifs. En France, le taux de féminisation des armées est de 15%. Ces femmes portant l’uniforme échapperaient-elles à ce type d’agression?

Le Haut-Comité d’évaluation de la condition militaire, qui a rendu un rapport intitulé « Les femmes dans les forces armées françaises » en juin dernier, n’a pas été en mesure de le dire. « Compte tenu de la nature des moyens d’investigations du Haut Comité, ses observations en la matière trouvent rapidement leurs limites. Dans l’ensemble, il n’a pas recueilli d’élément lui permettant de penser que ces comportements critiquables aient une ampleur particulière ou une spécificité dans le milieu militaire par rapport au reste de la société. La répression de ces comportements relève des instances disciplinaires et pénales. Elle doit être conduite sans hésitation ni faiblesse », peut-on lire dans ce document.

Ce n’est donc pas l’avis de Leila Minano et de Julia Pascual, les auteurs de « La guerre invisible », qui ont recensé plusieurs cas de violences sexuelles au sein des armées, dont celui de « Karine », jeune engagée de l’armée de Terre, victime de deux viols en réunion.

« La gestion est souvent calamiteuse pour les femmes qui dénoncent des agressions. Elles sont mutées, quasi systématiquement. Elles le vivent comme une double peine: après l’agression, elles doivent changer d’affectation. Les victimes finissent presque toutes par quitter l’armée. Elles sont même souvent réformées pour inaptitude, après des congés maladies de deux ans. Et, dans de nombreux cas, même quand l’agresseur a été condamné pénalement, il reste en poste » a confié Julia Pascal, au Figaro ainsi qu’à RMC.

Aussi, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, n’a pas tardé à réagir. Dans la synthèse d’actualité du ministère, il a annoncé sa décision de lancer une enquête conjointe de l’inspection générale des armées et du contrôle général des armées.

Cette commission d’enquête sera chargée d’établir « un état des lieux précis et objectif de ces situations de harcèlement, de discrimination et de violence dans l’ensemble du ministère de la Défense et formuler des recommandations d’ici fin mars pour la mise en oeuvre sans délai d’un plan d’action vigoureux ».

En outre, le ministère rappelle qu’il existe une « politique volontariste et déterminée de tolérance zéro à l’égard des comportements » et que les faits relatés dans le livre en question, et qui « sont pour l’essentiel mentionnés dans le rapport du contrôle, font tous l’objet, depuis 2012, de poursuites judiciaires ».

Par ailleurs, parmi les « actions concrètes » devant traduire « la volonté d’affirmer haut et fort la place des femmes partout au ministère de la Défense ainsi que le respect de leurs droits et de leur sécurité », il est rappelé, toujours dans cette synthèse, que M. Le Drian a adressé, l’été dernier, une circulaire aux directeurs d’écoles militaires leur « rappelant l’interdiction des ‘traditions' » et engageant leur responsabilité.

« Cette politique s’inscrit dans le cadre plus large de la lutte contre toutes les formes de discrimination, sexuelle, ethnique ou religieuse et contre tous les comportements déviants relatifs à l’alcool ou encore à la drogue », explique encore l’Hôtel de Brienne.

Reste à voir ce qui sera considéré comme du harcèlement… En juillet dernier, un militaire américain, Chris Hernandez, qui avait travaillé avec les forces françaises engagées en Kapisa, en Afghanistan, avait rapporté quelques anecdotes montrant l’écart des mentalités entre les deux armées.

« Quand mon groupe a commencé les opérations, les Français ont organisé un pot de départ pour une équipe qui était relevée. Hommes et femmes, officiers sous-officiers et militaires du rang se retrouvèrent donc autour de nourriture et de vins français. Les Européens sont amateurs de musique électronique, alors un officier français a passé de la musique avec son ordinateur et un vidéo projecteur. Dans certaines vidéos, tournées dans d’énormes boîtes d’Europe, on voyait des personnes se déshabiller ou avoir des comportements obscènes sur scène; concrètement, l’officier français était en train de passer des vidéos pornos avec de la techno sur un écran géant à des femmes soldats. J’ai vu ça à plusieurs occasions. TOUT LE MONDE S’EN FOUTAIT. Il n’y eut aucune plainte ou menace de plainte pour harcèlement sexuel. Je n’ai jamais entendu parler d’incident de harcèlement sexuel chez les Français », a-t-il raconté sur son blog…

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