Afghanistan : L’Otan s’impatiente devant les tergiversations du président Karzaï

Les Etats-Unis envisagent de maintenir, pendant deux ans, 10.000 soldats en Afghanistan après décembre 2014, date à laquelle prendra fin le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), déployée dans le pays sous le commandement de l’Otan.

Cette option proposée la semaine passée à la Maison Blanche par l’actuel chef de l’ISAF (COMISAF), le général américain Joseph Dunford, ne semble pas faire l’unanimité au sein de l’administration Obama, le vice-président, Joe Biden, étant réservé.

Selon le Wall Street Journal, cette approche permettrait de « donner du temps à l’armée américaine pour entraîner et conseiller l’armée afghane, tout en permettant à M. Obama de quitter ses fonctions en disant qu’il a mis fin à la plus longue guerre des Etats-Unis ». Les effectifs américains seraient complétés par 2.000 à 3.000 militaires fournis par des pays membres de l’Otan.

Seulement, pour que cette nouvelle mission de soutien aux forces de sécurité locales puisse avoir lieu, encore faut-il que les autorités afghanes se décident à ratifier l’accord bilatéral de sécurité (BSA), qui, conclu entre Washington et Kaboul et déjà approuvé par la Loya Jirga (ndlr, assemblée traditionnelle afghan) en novembre dernier, défini les modalités du maintien éventuel de militaires américains en Afghanistan après 2014. Or, l’on en est encore loin, surtout avec les signaux récemment envoyés par le président Karzaï, lequel ne manque pas une occasion de critiquer les Etats-Unis.

Deux exemples récents : le chef de l’Etat afghan a accusé les forces américaines d’être responsables d’une frappe aérienne ayant tué une douzaine de civils à Parwan, au nord de Kaboul, le 15 janvier dernier. Pour prouver ses dires, il a fait diffusé, il y a quelques jours, un dossier de presse contenant des photographies de ce drame.

Sauf que, certaines d’entre elles avaient été en fait prises en septembre 2009 à Kunduz, après le bombardement d’un camion citerne ayant fait 70 victimes. Selon le New York Times, qui a révélé cette manipulation, il s’agit ni plus ni moins d’un « travail de falsification » destiné à « diaboliser les Etats-Unis ». En outre, le gouverneur de la province de Parwan, Basir Salangi, a accusé les autorités de Kaboul, en particulier le chef de la délégation présidentielle, Abdul Satar Khawasi,  d’avoir « menti » pour gonfler le bilan de ce bombardement.

La libération prochaine de 37 combattants taliban, jusqu’alors détenu à Bagram, en application d’une décision de la présidence afghane annoncée le 9 janvier dernier. Pour la force américaine présente en Afghanistan (USFOR-A), cette perspective est inacceptable et elle constitue un « revers majeur pour l’instauration de l’état de droit » dans le pays.

Et pour cause. « Sur les 37 détenus qui vont être libérés, 17 sont liés à la fabrication ou à des attaques avec des engins explosifs artisanaux », a fait valor l’USFOR-A, qui précise que 4 d’entre eux sont impliqués dans des attaques ayant tué ou blessé 42 soldats de l’Otan. Voilà qui n’est guère engageant pour la nouvelle mission menée au profit des forces de sécurité afghanes que prévoit l’Otan, à la condition que le BSA soit ratifié et qu’un accord soit trouvé avec Kaboul dans le cadre de discussions lancée en décembre…

Aussi, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Anders Fogh-Rasmussen, s’est montré impatient, le 27 janvier, à l’égard des tergiversations du président Karzaï. Au point d’en oublier le ton diplomatique de rigueur. « Il faut que nous sachions rapidement si nous sommes ou non invités à rester en Afghanistan », a-t-il affirmé, en précisant qu’une option zéro (plus de troupes) est « inévitable » en l’absence de cadre juridique après 2014.

« Les dirigeants afghans ne doivent pas sous-estimer l’impact négatif sur l’opinion et la classe politique des pays dont les troupes sont présentes » en Afghanistan, a fait valoir M. Rasmussen. Dans où le président afghan refuse le maintien de troupes de l’Otan, « il sera extrêmement difficile de décider d’un soutien financier aux forces de sécurité afghanes », a-t-il ajouté. « Je ne sais pas comment les Afghans pourraient payer les soldats et la police sans soutien international », a-t-il prévenu, en précisant que l’aide au développement pourrait également en être affectée.

Pour M. Ramussen, le président Karzaï doit vite annoncer ses volontés. Car dans le cas où il ne veut pas de BSA, dont plus de présence militaire étrangère en Afghanistan, « il faudra plusieurs mois pour organiser le retrait » et la fermeture de toutes les bases « d’ici à la fin de l’année ».

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