Les appels d’offres constituent une source d’informations non négligeable sur la DGSE

Il y a un an, le service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) perdait deux commandos lors de l’opération ayant visé à libérer l’un de ses officiers, Denis Allex, retenu en otage par les jihadistes des milices shebabs somaliennes.

Quelques jours plus tard, le général François Cann, l’Amicale des Anciens du 8e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine (RPIMa) prit la responsabilité de révéler l’identité de l’un d’entre eux. Quant au second, l’on saura pratiquement rien de lui. Secret oblige, même si sa dépouille fit l’objet d’une macabre mise en scène par les shebabs…

Aussi, aucun hommage national n’a pu lui être rendu et son sacrifice a malheureusement déjà été oublié par le plus grand nombre. Cela étant, la communauté du renseignement réfléchit à faire évoluer ses usages au sujet de ses agents morts au service de la France (*), lesquels sont à l’opposé de ceux en vigueur aux Etats-Unis où l’identité des personnels de la CIA ayant perdu la vie en opération est connue, seules les circonstances de leur décès n’étant pas toujours précisées. A l’époque, l’initiative du général Cann avait fait débat. Avait-il raison ou tort de l’avoir prise?

Pourtant, la DGSE semble faire preuve de beaucoup moins de prudence dans d’autres circonstances et protège des secrets mieux que d’autres… Et sans doute vaudrait-il mieux y prêter une attention toute particulière. Ainsi, comme tout organisme de l’Etat, la « Piscine », sise au Boulevard Mortier, à Paris, lance des appels d’offres pour acquérir des équipements ou des services, via la plateforme gouvernementale dédiée. Et là, c’est une mine d’informations en libre accès qui s’offre à l’agent de renseignement lambda.

En août 2013, le Canard Enchaîné avait découvert, via la pate-forme des Achats de l’Etat, plusieurs plans détaillés du système anti-intrusion d’un des bâtiments du siège de la DGSE, avec la localisation exacte des détecteurs infra-rouge et bi-volumétriques de mouvement, des digicodes et autres contacts magnétiques. Manifestement, cela n’avait étonné personne… De son côté, le blog Zone d’Intérêt avait, à la même période, avait trouvé plusieurs appels d’offres ayant trait à l’équipement des services de la « Piscine ».

En matière de renseignement d’origine source ouverte (ROSO), l’examen des marchés publics est une source presque intarissable. Ainsi, Slate.fr y a fait des découvertes qui peuvent paraître surprenantes. Dont une portant sur le transport de 10 à 15 personnes entre la « gare de Poissy et le centre radioélectrique des Alluets-Le-Roi ». Pour cela, un appel d’offres a été lancé, avec toutes les précisions qui n’intéressent seulement l’entreprise ayant obtenu le contrat…

Certes, cette procédure a été ouverte par le ministère de la Défense. Mais la référence au centre radioélectrique des Alluets-Le-Roi ne laisse aucun doute sur l’organisme pour lequel cette procédure a été lancée. Et comme le souligne Slate.fr, ceux qui « voudraient identifier les employés de la DGSE découvriront avec plaisir dans les marchés publics que ‘la liaison quotidienne, matin et soir, sera assurée par autocar du lundi au vendredi (sauf jours fériés)’, qu’il est affrété par la société Auréole Transport, qu’il arrive à la gare de Poissy avant 8h20, qu’il en repart à 8h30, et qu’il quitte la station des Alluets-le-Roi à 17h30 ». Tout est écrit noir sur blanc dans l’avis d’attribution du marché.

De là, des questions se posent. Est-ce que les appels d’offres passés au nom de la DGSE contiennent des informations exactes ou bien sont-ils truffés de petites erreurs volontaires afin d’orienter vers de fausses pistes ceux qui scruteraient les marchés publics? Le doute est permis… ou pas.

(*) Les auteurs du livre « Histoire politique des services secrets français de la Seconde Guerre mondiale à nos jours » (Roger Faligot, Jean Guisnel et Rémi Kauffer) ont publié une liste en annexe de leur ouvrage.

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