Les Forces aériennes stratégiques ont 50 ans

Signé le 14 janvier 1964 par le général de Gaulle, le décret n°64-46 marquait l’entrée de la France dans le club alors très fermé des pays capables de mettre en oeuvre l’arme nucléaire. Ce texte créait en effet le Commandement des Forces aériennes stratégiques (CoFAS), dont l’existence est aujourd’hui remise en cause par certains (et même par d’anciens ministres de la Défense) pour des raisons économiques.

Ce décret était la traduction des décisions prises en 1955 visant à construire le Centre de Pierrelatte, de mettre au point une arme nucléaire et de confier à Dassault Aviation le programme du bombardier Mirage IV. Ces orientations furent confirmées par le général de Gaulle, qui, dans un discours prononcé 4 ans plus tard à l’Ecole militaire, réaffirma la volonté de doter la France d’une force de frappe stratégique.

Quand on voit aujourd’hui le temps qu’il faut pour faire aboutir un projet d’armement, ce programme fut rondement bien mené. Le Mirage IV effectua son premier vol d’essai à Melun-Villaroche en 1959. Un an plus tard, l’opération Gerboise Bleue, réalisée à Reggane, dans le désert algérien, marqua le premier test d’une arme nucléaire française.

En 1963, il est décidé que les forces stratégiques françaises reposeront sur trois composantes : aéroportée, sous-marine, avec le lancement de la classe de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) Redoutable (6 exemplaires seront construits et mis en service à compter de 1971), missiles balistiques sol-sol dont la mise en oeuvre sera assurée par l’armée de l’Air depuis le Plateau d’Albion.

En outre, la France se dote d’une doctrine de dissuasion nucléaire, grâce notamment aux travaux des généraux Pierre-Marie Gallois et Lucien Poirier (pouvoir égalisateur de l’arme atomique, sanctuarisation des intérêts vitaux de la France, crédibilité de la force de frappe, volonté politique d’y recourir le cas échéant, etc).

La montée en puissance des Forces aériennes stratégiques (FAS) sera rapide. Le 1er janvier 1964, l’Escadron de ravitaillement en vol 4/91 « Landes » est créé tandis que le premier avion ravitailleur KC-135, commandé aux Etats-unis, arrive le mois suivant à Istres, précédant de peu celle de la tête de série du Mirage IVA.

En juin, l’Escadron de Bombardement 1/91 Gascogne voit le jour sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. Il sera officiellement déclaré opérationnel le 1er octobre 1964. Mais il faudra encore attendre quelques jours pour que cette nouvelle unité prenne sa première alerte opérationnelle, 24H/24, avec le couple Mirage IVA/bombe type AN 11.

Deux ans après, les FAS disposent de 9 escadrons de Mirage IVA, le dernier ayant été déclaré opérationnel sur la base aérienne de Luxeuil et comptera jusqu’à 4 escadres, composées généralement de 3 escadrons de bombardement et d’un de ravitaillement en vol.

En 1971, les FAS ajoutent une seconde corde à leur arc avec la mise en service du missile balistique sol-sol (SSBS) de première génération S2, avec deux unités de tir qui seront rapidement opérationnelles (chacune ayant 9 zones de lancement rattachées). A l’époque, cette composante est confirmée à plusieurs reprises (guerre froide oblige). Le développement du missile S3 est décidé en 1973, puis celui de la version durcie, S3D, qui sera opérationnelle en 1984.

A ce moment, le format des FAS atteint une apogée. Car, depuis, il n’a cessé d’être réduit. Dès 1976, les escadres de bombardement sont remaniées, avec plusieurs dissolution d’escadrons à la clé (01/92 Bourgogne, 02/92 Aquitaine, 03/93 Sambre, 03/93 Beauvaisis, 01/94 Bourbonnais etc….). Dans le même temps, le programme de missile ASMP (air-sol moyenne portée) est lancé, ce qui supposera, plus tard, la transformation du Mirage IV A en Mirage IV P (Pénétration), qui sera effective dans les années 1980.

Cette période est aussi celle d’une nouvelle restructuration des FAS, avec d’autres dissolution d’escadrons de bombardement (01/93 Guyenne, 02/93 Cévennes, 02/94 Marne, 03/94 Arbois, etc). En 1986, le couple Mirage IV-P/ASMP est déclaré bon pour le service opérationnel. En tout, 18 exemplaires de cette nouvelle version du bombardier de Dassault seront livrés à l’armée de l’Air.

Deux ans après, le système d’arme Mirage 2000N/ASMP est mis en service sur la base aérienne 116 de Luxeuil, au sein de l’escadron de chasse 1/4 Dauphiné. En 1991, la 4e Escadre de chasse rejoint les FAS. Commence alors une nouvelle restructuration de ces dernières, dans la droite ligne des recommandations du Livre blanc sur la défense rédigé en 1994.

Il est ainsi décidé de démanteler le site du Plateau d’Albion, et donc, d’abandonner la composante SSBS. Ce qui n’avait pas manqué de faire débat, certains ayant plutôt souhaité le retrait des SNLE (voir les débats dans la presse spécialisée de l’époque…).

Quant aux Mirage IVP, leur mission évolue vers la reconnaissance stratégique. Cinq exemplaires, équipés du conteneur photographique C.T 52, sont alors conservés au sein de l’Escadron de reconnaissance stratégique (E.R.S) 01.091 « Gascogne », jusqu’au début des années 2000. Les FAS ne comptent alors plus que de 3 escadrons dotés de l’ASMP (1/4 Dauphiné, 2/4 La Fayette et 3/4 Limousin) tandis que les escadrons de ravitaillement en vol sont restructurés.

A partir de 2008, de nouvelles décisions vont réduire le format des FAS. En mars de cette année-là, le président Sarkozy annonce, en effet, selon le respect du principe de « stricte suffisance », la réduction d’un tiers de leurs capacités. Le Groupe de ravitaillement en vol (GRV) 00.093 Bretagne, avec ses C-135, change d’appellation pour devenir le 02.091 et les escadrons 1/4 Dauphiné et 3/4 Limousin sont dissous. Quant au 2/4 La Fayette, il est transféré à Istres.

Toutefois, en 2010, à Saint-Dizier, l’escadron de chasse 01/91 « Gascogne » est recréé sur la base du couple Rafale/ASMP-A (amélioré), entré en service un an plus tôt au 3/4 Limousin.

Actuellement, la dissuasion nucléaire reste la deuxième mission permanente de l’armée de l’Air. Si certains veulent voir la disparition des FAS pour faire des économies, c’est qu’ils font mine d’ignorer son coût : 7% seulement du budget global annuel (environ 3 milliards) affecté aux forces stratégiques (FAS et FOST, ndlr)! En outre, leurs avions ravitailleurs ainsi que leurs Mirage 2000N et Rafale participent à des missions conventionnelles, comme cela été encore récemment le cas lors des opérations en Libye et au Mali.

Dans le cadre de la dernière Loi de Programmation Militaire, il est prévu de commencer à renouveler la flotte des avions ravitailleurs, avec la commande de deux (seulement!) A330 MRTT, ainsi que de poursuivre les travaux de rénovation à mi-vie de l’ASMP-A et de lancer ceux ayant trait à son successeur. Enfin, les Mirage 2000N du 2/4 La Fayette devraient s’effacer au profit du Rafale B.

Pour aller plus loin : Le Mirage IVP

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