Le gouvernement et la Cour des comptes ne sont pas sur la même longueur d’onde au sujet des ouvriers d’Etat de la Défense

Environ trois quarts des ouvriers d’Etat (OE) sont employés par le ministère de la Défense. Compte tenu, dixit la Cour des comptes, et « à niveau de qualification égal », de son coût « à la fois en raison de ses rémunérations et de son régime particulier de retraite » et de « sa gestion plus complexe et moins flexibles », il avait été décidé, en 2009, un moratoire concernant le recrutement de cette catégorie de personnels.

Du coup, en trois ans, le nombre d’OE est passé de 31.000 à 26.000. Et, dans l’édition 2012 de son rapport annuel, la Cour des comptes avait recommandé de ne plus en recruter et de revoir « leurs règles d’évolution salariale ». En clair, il s’agissait pour les magistrats de la rue Cambon de mettre un terme à ce statut, considéré comme étant avantageux et utilisé de manière « excessive ».

Certes, la Cour des comptes avait reconnu que « le maintien en condition opérationnelle des armées nécessite sans conteste que le ministère de la défense dispose, dans certains secteurs professionnels, de personnels ouvriers maitrisant des compétences spécialisées ». Mais, dans le même temps, elle avait constaté que, en 2009, « seulement 43% des ouvriers de l’Etat en activité appartenaient à une branche correspondant à des spécialités jugées prioritaires par le ministère de la défense : aéronautique, mécanique, pyrotechnie, centres d’expertise et d’essais, électronique, électrotechnique, informatique ».

Qui plus est, dans un référé daté du mois d’octobre mais qui vient seulement d’être rendu public, la Cour des comptes souligne que « le moratoire n’a pas empêché que les emplois techniques indispensables soient pourvus par le recrutement d’agents techniques du ministère de la défense (ATMD) à statut fonctionnaire (26 agents), par la reconversion de militaires en civils (49 agents) et, surtout, par le recrutement

de 269 contractuels d’abord en contrat à durée déterminée (CDD) puis, depuis la loi 2012-347 du 12 mars 2012, en contrat à durée indéterminée (CDI) ».

Et cela n’a pas donné lieu à de problèmes particuliers car, toujours selon la rue Cambon, « la  satisfaction des employeurs apparaît clairement dans le rapport de gestion 2012 du principal d’entre eux, le Service industriel de l’aéronautique (SIAé) ».

« Les besoins en compétences étant satisfaits jusqu’à présent, aucun enjeu de politique de défense ne nécessitait de recourir à nouveau au recrutement d’ouvriers de l’État et ce d’autant plus que les travaux en cours au ministère de la fonction publique, visant à conforter 1’expérimentation du recrutement de contractuels en leur offrant un déroulement de carrière, pourraient prévenir 1’éventuelle volatilité de ces personnels », peut-on lire dans le document.

Sauf que le gouvernement n’est pas allé dans le sens préconisé par la Cour des comptes étant donné que, en juin 2013, il a décidé la « la transformation dès 2013 de 300 postes d’opérateurs mécaniciens de l’aéronautique en ouvriers de l’État et le recrutement de 105 ouvriers de l’État en 2014 sur quatre spécialités prioritaires ».

Pour les magistrats de la rue Cambon, cela est un non sens étant donné que le ministère de la Défense doit mettre en oeuvre un « plan d’économies majeur ». « Cette décision ne correspond pas à un véritable enjeu social : elle ne porte que sur les modalités juridiques de recrutement et ne crée ni ne maintient aucun emploi supplémentaire dans les zones géographiques concernées. Elle peut même se révéler contreproductive, y compris pour les besoins des employeurs, puisque, à masse salariale égale, le nombre d’employés pourra être inférieur au regard de leur coût unitaire’, ont-ils fait valoir, tout en craignant de nouvelles demandes pour obtenir le statut d’OE.

Mais telle n’est pas l’appréciation du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Dans sa réponse adressé au Premier président de la Cour des comptes, Didier Migault, il a indiqué qu’il s’agissait d’un « recrutement strictement réservé » à  spécialités « critiques » (maintenance aéronautique, mécanique diesel, maintenance et installations frigorifiques, climatisation et pyrotechnie) « pour lesquelles un besoin urgent en personnels qualifiés a été identifié par les employeurs du ministère de la défense ».

« Le recrutement de fonctionnaires dans ces spécialités se heurte à la faible attractivité du statut proposé d’agent technique du ministère de la Défense en raison de la concurrence du secteur privé dans ces mêmes domaines », a expliqué le chef du gouvernement. « Cette concurrence explique le faible rendement  des concours dans ces spécialités :  ainsi, un seul poste a été pourvu lors du dernier concours organisé en 2009 pour la spécialité de maintenance aéronautique », a-t-il fait valoir.

« La décision du gouvernement d’une réouverture ciblée du recrutement d’ouvriers de l’Etat pour 2014 offre donc aux agents ainsi recrutés un cadre professionnel adapté, attractif et structuré et assure aux employeurs la satisfaction de leurs besoins qualitatifs et le bénéfice d’une ressource humaine pérenne aux compétences régulièrement revalorisées », assure le Premier ministre.

Enfin, M. Ayrault a également insisté sur le fait que « cette reprise ciblée des recrutements d’ouvriers de l’Etats s’inscrit (…)dans le contexte de la nouvelle loi de programmation militaire (…) et des réductions d’effectifs qu’elle prévoit : 23 500 tous personnels confondus dont 3 700 pour les seuls ouvriers de l’Etat. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]