La vente de deux satellites d’observation français aux Emirats arabes unis fait l’objet d’une étrange manoeuvre

Le 22 juillet dernier, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, pouvait avoir le sourire étant donné qu’il revenait des Emirats arabes unis avec un contrat d’un montant de 700 millions d’euros portant sur la livraison de deux satellites d’observation de type Pléiades construits par Airbus Defence and Space (ex-EADS Astrium) et Thales Alenia Space (TAS).

La partie française remportait ainsi ce contrat (appelé Falcon Eye) au nez et à la barde de Lockheed-Martin, qui cherchait alors un nouveau débouché pour ses satellites dont la commande venait d’être annulée par la National Geospatial-Intelligence Agency (NGA), une agence du Pentagone.

Fin de l’histoire en attendant la livraison des deux engins, en 2018? Par tout à fait, si l’on en croit Defense News. Et pour des raisons pour le moins étranges, si tant est que les propos du responsable émiratis rapportés dans les colonnes du magazine spécialisé américain sont exacts.

Ainsi, cette source de « haut niveau » a indiqué que le contrat signé avec les Français pouvait être annulé en raison de la découverte de composants susceptibles de compromettre la sécurité des transmissions avec les deux satellites commandés.

« La découverte a été signalée au bureau du commandant suprême adjoint (le Sheikh Mohammed Bin Zayed) en septembre », a précisé ce responsable émirati. « Nous avons demandé aux Français de changer ces composants et également consulté des entreprises russes et chinoises », a-t-il ajouté. « Si ce problème n’est pas résolu, nous sommes prêts à annuler tout le contrat », a-t-il insisté.

Les composants en cause contiendraient des portes dérobées informatiques (backdoor) afin de permettre l’interception des communications entre les satellites et leur station de contrôle et de réception au sol. Cerise sur le gâteau : ils seraient fabriqués aux Etats-Unis.

L’on ne peut être sûr de rien, étant donné la complexité des technologies mises en oeuvre, mais il est toutefois curieux que des composants d’origine américaine aient été montés sur des satellites de renseignement utilisés par l’armée française, étant donné le caractère « sensible » de ces engins. Et cela l’est davantage si, le cas échéants, ces « mouchards » n’ont jamais été découverts.

Quoi qu’il en soit, les propos de la source de Defense News sont très étranges. L’on voit mal, en effet, quel serait l’intérêt d’une agence de renseignement américaine à intercepter des images obtenues via un satellite d’observation étranger. Tout simplement parce que le Pentagone est déjà bien pourvu dans ce domaine… Et qu’en matière d’observation spatiale, il existe bien des coopérations entre services de pays alliés. A moins qu’il ne s’agisse de garder un oeil sur ce qui intéresse les Emirats arabes unis.

Mais si, effectivement, Abu Dhabi craint l’espionnage américain, l’on se demande bien pourquoi Lockheed-Martin a été sollicité pour faire une offre dans le cadre du contrat Falcon Eye. Imaginons que l’industriel ait été retenu… Ce n’est pas seulement 2 composants qui auraient posé problème…

Plus largement, les Emirats arabes unis sont de bons clients de l’industrie américaine de l’armement. Leurs forces aériennes sont dotées de F-16 et, encore récemment, ils ont commandé des systèmes antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) pour la bagatelle de 3,48 milliards de dollars.

Mais l’argument qui paraît le plus étrange est que les Emirats seraient prêts à se tourner vers la Russie et la Chine, deux pays qui pratiquent l’espionnage à grande échelle, ce que les révélations faites par Edward Snowden, ancien consultant de la NSA, au sujet du renseignement américain tendraient à faire oublier… Qui plus est, Pékin et Moscou sont proches de Téhéran, avec qui Abu Dhabi entretient des relations encore loin d’être apaisées.

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