D’anciens responsables de l’armée britannique inquiets pour l’avenir de l’Afghanistan

En fournissant le deuxième contingent le plus important de la Force internationale d’assistance à la sécurité (jusqu’à environ 10.000 hommes), les forces armées britanniques ont été très impliquées en Afghanistan (opération Herrick), plus précisément dans la province méridionale du Helmand. Et elle le sont encore, avec 5.000 soldats.

Au cours d’une visite suprise effectuée le 16 décembre dernier en Afghanistan, le Premier ministre britannique, David Cameron, avait affirmé que la mission de ses troupes était « accomplie ». Et cela, à un an du retrait de l’ISAF, déployée dans le pays sous l’autorité de l’Otan.

Dans les colonnes du Guardian, M. Cameron avait précisé sa pensée. Bien évidemment, les forces britanniques n’allaient pas se retirer « en laissant un pays et une démocratie en état de marche (…) Mais l’objectif de notre mission a toujours été de mettre en place les conditions pour que les forces de sécurité afghanes soient capables de maintenir un minimum de sécurité pour éviter que l’Afghanistan redevienne le paradis des camps d’entraînement au terrorisme (…). Cette mission, je pense que nous l’avons accomplie et que nos troupes peuvent en être fières », avait-il déclaré.

Mais cela est loin d’être l’avis d’anciens responsables de l’armée britannique. Des forces afghanes aptes à assurer la sécurité? Le général Sir David Richards a été, jusqu’en juillet dernier, chef d’état-major des armées. Auparavant, il avait commandé les troupes de l’ISAF dans le sud-ouest de l’Afghanistan. Autant dire qu’il sait de quoi il parle…

Dans le journal The Times, il a ainsi estimé que la capacité de l’armée afghane à faire face aux insurgés taliban et à monter des opérations de contre-insurrection sans le soutien occidental allait « rapidement s’évanouir » après le retrait de l’Otan. « Plus important encore, le signal d’une perte de confiance en Afghanistan aurait un effet dévastateur sur l’économie afghane, ce qui constituera un terrain fertile pour le recrutement des jihadistes ».

Ancien cadre du Special Air Service, le lieutenant-colonel Richard Williams, a quant à lui affirmé qu’il y avait des preuves de collusion entre les taliban et les soldats ainsi que les responsables politiques de la province du Helmand, où les forces britanniques ont enregistré l’essentiel de leurs pertes humaines (447 tués au total).

« Je serais très surpris que le futur gouverneur de la province du Helmand… ne soit pas lié à ceux que nous appelons taliban », a-t-il confié au Times. « Nous allons nous trouver dans une situation très inconfortable, où les gens diront : ‘Nous avons perdu près de 500 soldats, la plupart au Helmand, et au final, nous avons rendu le Helmand à un gouverneur proche des talibans’ avec des districts de Sangin et de Musa Qala pleins de gars avec la barbe et un turban noirs », a-t-il insisté.

Ancien officier des Royal Marines avant d’entamer une carrière diplomatique et politique, Lord Paddy Ashdown, du parti libéral-démocrate (ndlr, membre de la coalition gouvernementale), n’a pas mâché ses mots en affirmant que le Royaume-Uni et, plus largement, l’Otan, allaient partir d’Afghanistan « la queue entre les jambes ».

« L’histoire dira que nous n’avons pas réussi en Afghanistan. Nous avons échoué. La plus grande tragérie est qu’il s’agissait d’une guerre que nous aurions pu gagner », a-t-il dit. Selon lui, trois erreurs ont été commises dès le départ : ne pas avoir impliqué les pays qui bordent le territoire afghan, avoir voulu reconstruire une nation, un objectif irréaliste selon lui, et s’être appuyé sur des « mauvaises personnes », ce qui a conduit à une « corruption généralisée dans l’ensemble du gouvernement afghan ».

« Si vous devez écrire un livre sur la façon de perdre une guerre, alors l’Afghanistan est un sujet d’inspiration », a-t-il lancé. « Cela ne veut pas dire que les soldats ont fait un mauvais travail. Ils se sont comportés magnifiquement mais ils ont terriblement été lâchés par les politiciens », a-t-il lancé.

Le ton de Lord Ashdown est provoquant mais il n’en reste pas moins que le renseignement américain n’est pas loin de partager sa conclusion. Ce dernier, dans un National Intelligence Estimate (NIE), un document classifié de synthèse évoqué par le Washington Post en décembre, a dit craindre un retour des taliban dans les 3 ans suivants la fin de la mission de l’Otan en Afghanistan, prévue en décembre 2014.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]