Grâce royale posthume pour le mathématicien Alan Turing

Quelle issue aurait eu la Seconde Guerre Mondiale si les Alliés n’avaient pas réussi à intercepter et surtout à déchiffrer les messages codés échangés entre les différentes composantes des forces allemandes? A l’époque, ces dernières utilisaient une version améliorée de la machine Enigma, dont la technique de chiffrement passait pour être inviolable.

En 1938, les services de renseignement britanniques installent le Government Code and Cypher School (GC&CS) à Bletchley Park. Cet organisme se voit confier la mission de déchiffrer les messages allemands. Pour cela, des mathématiciens sont recrutés, dont un certain Alan Turing, qui, deux ans plus tôt, avait imaginé une machine théorique qui servira, plus tard, de base à l’informatique.

Bénéficiant de recherches déjà effectuées par les services polonais et français afin de comprendre le fonctionnement d’Enigma, le GC&CS se met donc à la tâche. Et Alan Turing jouera un rôle primordial car il mettra au point une « bombe électromécanique », sur la base de celle conçue par Biuro Szyfrów Marian Rejewski, qui permettra de déchiffrer les messages allemands dans le cadre du programme Ultra et de mettre en échec, à de nombreuses reprises, les forces de l’Axe.

Plus tard, le GC&CS utilisera le très secret Colossus, qui, basé sur le système binaire et, dit-on, sur les travaux de Turing, avait été créé par Max Newman pour déchiffrer les messages envoyés entre les hautes autorités nazies par la machine de Lorenz.

Quoi qu’il en soit, l’apport d’Alan Turing au programme Ultra aura été déterminant. « Il n’est pas exagéré d’affirmer que, sans sa contribution exceptionnelle, l’histoire de la seconde guerre mondiale aurait pu être très différente », estima l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, dans une tribune publiée en septembre 2009 par le Daily Telegraph.

Revenu à la vie civile après avoir travaillé sur un appareil de codage électronique de la voix, Alan Turing travaille, en 1948, sur un projet visant à développer un ordinateur, sur la base des travaux de Von Neumann. Ce dernier débouchera sur le Manchester Mark I, industrialisé plus tard par la société Ferranti. Puis, il s’intéressera ensuite à l’intelligence artificielle. « D’ici cinquante ans, il n’y aura plus moyen de distinguer les réponses données par un homme ou un ordinateur, et ce sur n’importe quel sujet », prophétise-t-il alors.

Le destin d’Alan Turing va basculer en 1952. Suite au cambriolage de sa maison, à Manchester, son homosexualité – alors illégale outre-Manche jusqu’en 1967 – est mise sur la place publique. Inculpé pour  » indécence manifeste et perversion sexuelle », il condamné à la castration chimique. Sa carrière est dans le même temps brisée. Le 7 juin 1954, il se suicide en mangeant une pomme au cyanure. Il avait 41 ans.

A l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, le Royaume-Uni l’avait mis à l’honneur. Mais sa condamnation pour outrage aux bonnes moeurs n’avait pas été annulée pour autant. C’est désormais chose faite. En effet, ce 24 décembre, la reine Elizabeth II; sur proposition du ministre de la Justice, Chris Grayling, a grâcié Alan Turing à titre posthume.

« Son génie a été mis en œuvre à Bletchley Park pendant la seconde guerre mondiale où son apport a été décisif pour briser le code Enigma, contribuer à mettre fin à la guerre et sauver des milliers des vies, sa vie a plus tard été assombrie par sa condamnation pour homosexualité, condamnation que nous considérerions aujourd’hui comme injuste et discriminatoire, et qui est désormais annulée », a commenté Chris Grayling.

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