Le Soudan du Sud, un jeune Etat au bord du gouffre

Au lendemain de son indépendance, proclamée en 1956, le Soudan ne tarda pas à basculer dans une guerre civile en raison de la décision du gouvernement central de Karthoum de revenir sur sa promesse d’accorder une autonomie aux territoires du sud, à majoritairement chrétien et animiste, ceux du nord étant à dominante musulman.

Ce premier conflit prit fin en 1972, avec les accords signés à Addis-Abeba (Éthiopie), lesquels accordèrent une autonomie relativement importante aux sudistes. Mais 11 ans plus tard, le colonel Gaafar Nimeiry, au pouvoir à Khartoum depuis son coup d’État de 1969, décida d’étendre au code pénal le droit coranique. Ce qui déclencha la seconde guerre civile, avec une rébellion sud-soudanaise emmenée par l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) de John Garang.

En 1991, la direction de l’insurrection sud-soudanaise fut contestée et des tensions interéthniques éclatèrent. La communauté Nuer, celle d’un certain Riek Machar, s’en prit à l’éthnie Dinka, celle de John Garang et de Salva Kiir. A Bor, 2.000 civils Dinka furent massacrés.

Ayant finalement échoué à prendre la tête de l’APLS, Riek Machar se rallia aux troupes du régime de Karthoum, alors dirigé, depuis 1989, et à la faveur d’un coup d’Etat, par Omar el-Béchir, avant d’être, au début des années 2000, curieusement réintégré au sein de la rébellion sud-soudanaise, grâce à Salva Kiir.

Après 2 millions de tués et 4 millions de déplacés, un cessez-le-feu entre le Nord et le Sud fut conclu en 2002. Trois ans plus tard, un accord de paix fut signé à Naivasha, au Kenya, avec la perspective, pour le Soudan du Sud, d’obtenir son indépendance à l’égard de Karthoum avec la tenue d’un référendum d’auto-détermination. La même année, John Garang perdit la vie dans un accident d’hélicoptère. Il fut alors remplacé par Salva Kiir.

En janvier 2011, le président Omar el-Béchir accepta le verdict des urnes : à une écrasante majorité, la population sud-soudanaise se prononça en faveur de l’indépendance. Et, 6 mois plus tard, avec Salva Kiir à sa tête et Riek Machar comme vice-président, la République du Soudan du Sud fut créée… et reconnue par Karthoum, malgré quelques litiges sur le tracé de la frontière séparant les deux Etats.

Le Soudan du Sud, fort d’environ 11 millions d’habitants, ne manque alors pas d’atout, notamment avec le pétrole qui représente plus de 80% des réserves en hydrocarbures de l’ex-Soudan unifié, soit une production d’environ 350 000 barils par jour. Seulement, cette manne fait l’objet de toutes les convoitises au sommet de ce nouvel Etat, qui plus est miné par la corruption et les rivalités internes, souvent liées à des raisons éthniques.

En juillet 2013, Salva Kiir, dont les « tendances dictatoriales » ont été dénoncées par  la veuve de John Garang, écarte sans ménagement Riek Machar ainsi que 29 ministres et leurs adjoints. De là vont naître les tensions que connaît actuellement le nouvel Etat.

Ainsi, dans la nuit du 15 au 16 décembre, des combats éclatent entre factions rivales de l’armée à Juba, la capitale. Selon le président Kiir, il se serait agi d’une tentative de coup d’Etat fomenté par Riek Machar. Ce que ce dernier a démenti dans un premier temps, avant d’en appeler, sur les ondes de RFI, à renverser celui qui l’avait limogé l’été dernier. « S’il veut négocier les conditions de son départ du pouvoir, nous sommes d’accord. Mais il doit partir, car il ne peut plus maintenir l’unité de notre peuple, surtout quand il fait tuer les gens comme des mouches et qu’il essaye d’allumer une guerre ethnique », a-t-il ainsi déclaré.

En quelques jours, les combats entre factions rivales ont fait entre 400 et 500 morts à Juba. Et les violences se sont propagées dans d’autres parties du pays comme une traînée de poudre. Suite à la mort de deux casques bleus indiens de la MINUSS et de 20 civils lors d’une attaque dans l’Etat de Jonglei, a conduit les Nations unies à prendre la décision d’évacuer ses personnels de cette base. Selon la mission onusienne, des jeunes appartenant à l’éthnie Nuer – celle de Riek Machar, donc – auraient tenté de s’introduire dans la base pour s’en prendre à des Dinkas qui y avaient trouvé refuge.

Au total, au 20 décembre, l’ONU a recensé 14 lieux où des combats de ce type ont eu lieu au Soudan du Sud. L’Etat d’Unité, stratégique dans la mesure où il est producteur de pétrole, a été le théâtre de combats, notamment à Bentiu, sa capitale.

L’Etat de Jonglei est une région instable, avec pour capitale la ville de Bor, située à 200 km de Juba. Or, il se trouve que cette dernière est un bastion de Riek Machar. Et la tension doit y être à son comble étant donné que des troupes gouvernementales, appuyés par des hélicoptères, s’en approchent…

Devant la dégradation de la situation, plusieurs pays ont décidé d’évacuer leurs ressortissants. Les Etats-Unis, qui soutiennent depuis toujours le Soudan du Sud, ont ainsi envoyé, le 21 décembre, 3 appareils hybrides VF-22 Ospreys à Bor… Lesquels ont été pris pour cible par des éléments armés. Quatre militaires américains ont été blessés. « Les récents combats menacent de faire plonger à nouveau le Soudan du Sud dans ses jours les plus noirs du passé », avait averti, la veille, le président Obama. Pour la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi Pillay, le risque d’un conflit ethnique y est « extrêmement élevé ».

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