Le Conseil européen affiche beaucoup d’intentions mais peu d’avancées concrètes en matière de défense

Cela faisait 5 ans qu’il n’y avait pas eu de Conseil européen dédié à la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), soit depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

D’entrée de jeu, le Premier ministre britannique, David Cameron, a posé les limites de l’exercice. « Il est sensé pour les nations de coopérer dans le domaine de la défense afin d’assurer notre sécurité. Cela est dans notre intérêt mais il n’est pas bon pour l’UE de se doter de capacités communes, d’armées, de moyens aériens et du reste », a-t-il lancé. Pour Londres, une défense européenne peut éventuellement venir en appui ou être complémentaire de l’Otan mais pas s’y substituer.

Ce à quoi le président Hollande a répondu que « personne n’envisageait que ce serait à l’UE de fonder une armée, ce n’était pas le but. Il s’agit d’une peur infondée, car rien ne laissait entendre ça. La France dispose de sa propre armée qui est souveraine (…) Par exemple, au sujet des drones, il nous revient de développer (cette capacité) afin que toutes nos armées puissent en profiter ».

Invité à s’exprimer lors de ce Conseil européen, le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, a dit craindre que « si  l’Europe ne souhaite pas jouer pleinement son rôle dans la gestion internationale des crises, ou si elle n’est pas en mesure de le faire, d’autres combleront ce vide » et que « notre capacité à protéger nos valeurs et à défendre nos intérêts s’en trouverait réduite ».

En outre, M. Rasmussen a plaidé pour des capacités nationales plus fortes. « Ni l’Otan ni l’UE ne possède ces moyens. Ces moyens appartiennent aux différents États. Ils profitent aux pays qui les détiennent. Et ils permettent à ces pays d’apporter une plus grande contribution au traitement des crises, quel que soit le cadre choisi – l’UE, l’Otan ou autre », a-t-il rappelé

« C’est maintenant qu’il faut agir », a lancé Anders Fogh Rasmussen. Faute de quoi, si les Européens ne prennent pas leur « sécurité au sérieux, les Nord-Américains se demanderont à juste titre pourquoi ils devraient le faire ». Et de conclure : « Si nous ne prenons pas de nouveaux engagements en faveur de notre propre défense, nous risquons de voir l’Amérique se désengager – et l’Europe et l’Amérique s’éloigner l’une de l’autre. Aucun d’entre nous ne le souhaite. Et cela ne serait ni dans notre intérêt ni dans celui du reste du monde ».

Au niveau opérationnel, le Conseil européen n’aura débouché que sur peu d’avancées. Comme le souhaitait la France, le mécanisme de financement des missions de l’UE (dispositif Athena) fera l’objet d’une « réflexion », qui sera confiée à Catherine Ashton, haut-représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Cette dernière devra veilleur à ce que « les procédures et les règles applicables aux missions civiles offrent plus de souplesse à l’Union et lui permettent d’accélérer le déploiement de ces missions ». Autrement dit, rien n’est encore acquis.

Quant aux groupements tactiques de l’Union européenne (GTUE), jamais utilisés à ce jour depuis la date de leur création, le Conseil se contente de souligner la nécessité « d’améliorer les capacités de réaction rapide de l’UE, notamment en accroissant la flexibilité et la déployabilité » de ces derniers, « en fonction de ce que décident les États membres ».

En outre, le Conseil préconise de définir un cadre d’action en matière de cyberdéfense, « sur la base d’une proposition élaborée par la Haute Représentante, en coopération avec la Commission et l’Agence européenne de défense (AED) » et d’élaborer, d’ici juin 2014, « une stratégie en matière de sécurité maritime » suivie de plans d’action.

Au niveau des capacités militaires, il n’y a rien de neuf par rapport à ce qui était attendu  il est toujours question de mettre au point un drone MALE européen à l’horizon 2020-2025 (il ne s’agit encore que de « travaux préparatoires », avec un financement approprié des activités de R&D à partir de 2014) » et d’instaurer une « communauté d’utilisateurs » de ces appareils, de développer une capacité de ravitaillement en vol, « avec des avions multirôles » comme peut l’être l’A-330 MRTT d’Airbus, de préparer la prochaine génération de satellites de télécommunications et d’élaborer une feuille de route en matière de cybersécurité (thème décidemment à la mode!).

Enfin, le Conseil encourage les Etats-membres » à étudier les moyens de reproduire le modèle de l’EATC (Commandement européen du transport aérien, qui fonctionne relativement bien) à d’autres domaines, en particulier celui du ravitaillement en vol.

A force de tailler dans leurs dépenses militaires, les Etats membres s’inquiétent désormais de voir disparaître leur propre industrie de défense. Qui plus est, la concurrence sur les marchés mondiaux fait qu’il devient compliqué de compenser les baisses de commandes au niveau national. Résultat, certains groupes réduisent la voilure, comme récemment EADS, qui a décidé de supprimer 5.000 emplois.

Aussi, le Conseil européen estime que l’UE doit disposer d’une « base industrielle et technologique de défense (BITDE) », qui devra être « plus intégrée, plus durable, plus innovante et plus compétitive pour pouvoir assurer le développement et le soutien de ses capacités de défense, ce qui pourra aussi lui permettre d’accroître son autonomie stratégique et sa capacité à agir avec des partenaires ».

Par ailleurs, le Conseil européen invite « les États membres à accroître leurs investissements dans des programmes de recherche en coopération, en particulier les investissements communs, et à développer au maximum les synergies entre la recherche au niveau national et celle qui est menée au niveau de l’UE » et insiste sur « l’importance cruciale « d’un marché de la défense qui fonctionne bien et qui repose sur l’ouverture, l’égalité de traitement et de chances et la transparence pour tous les fournisseurs européens ».

Enfin, point qui ne manque pas d’intérêt, le Conseil a chargé l’AED et la Commission européenne d’établir « d’ici la mi 2014 une feuille de route pour l’élaboration de normes industrielles dans le domaine de la défense, sans double emploi avec les normes existantes, en particulier les normes de l’Otan » ainsi que des « options pour réduire le coût de la certification militaire, y compris en améliorant la reconnaissance mutuelle entre les États membres de l’UE ».

Quant à l’idée d’une exonération de la TVA pour les programmes d’équipements menés en coopération (un tel dispositif existe pour l’Otan), avancée par Paris, il faudra attendre. Si cette mesure sera étudiée par l’AED et la Commission, elle n’a que peu de chance d’aboutir en l’état car, apparemment, l’Allemagne y est hostile.

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