Le chef d’état-major des forces britanniques met en garde contre de nouvelles réductions d’effectifs

Le général Sir Nicholas Houghton, le chef d’état-major des forces armées britanniques, n’a pas sa langue dans sa poche. Alors que se prépare une nouvelle révision stratégique de la défense et de la sécurité du Royaume-Uni, doublée d’une revue des dépenses par ministères à l’horizon 2015, soit après les prochaines élections générales, l’officier a tenu à mettre les choses au clair à l’occasion d’une intervention devant un parterre de responsables politiques et d’industriels réunis lors d’un colloque organisé par le Royal United Services Institute à Londres, le 19 décembre.

Premier point, le général Houghton a mis en garde contre une « aversion rampante » visant l’emploi des forces armées, que ce soit dans le monde politique ou au sein de  la société. La cause viendrait de la réticence de l’opinion publique à envoyer des troupes sur un théâtre d’opérations extérieur après l’Afghanistan et l’Irak.

« J’ai récemment observé avec une certaine admiration la capacité des forces françaises à  fonctionner avec une mentalité de gestion agressive des risques », a-t-il affirmé. « Nous devons être prudents en tant que société et en tant que militaire de carrière de ne pas perdre nos valeurs de courage car elles sont l’une des choses qui nous maintiennent dans une classe à part », a-t-il ajouté.

En outre, a encore estimé le général Houghton, « en adoptant une posture stratégique de l’engagement », le Royaume-Uni peut augmenter son influence sur la scène internationale tout en garantissant sa propre sécurité, l’atteinte de objectifs politiques et sa prospérité ».

Mais pour mener des opérations à l’extérieur et protéger le Royaume-Uni, encore faut-il que les forces britanniques soient en capacité de le faire. Avec des coupes de 8% depuis 2010 dans ses budgets et la réduction drastique de ses effectifs, le général Houghton a exprimé une mise en garde.

Ainsi, comme d’autres, Londres a baissé ses effectifs militaires pour dégager des marges de manoeuvre financières afin d’acquérir de nouveaux matériels toujours plus onéreux. Et, avec l’effet des coupes budgétaires, l’on en arrive aussi à baisser le nombre d’équipements commandés. D’où l’expression d’armée « bonsaï », qui a été utilisé récemment lors du débat portant sur la Loi de programmation militaire française.

Au Royaume-Uni, ce processus est déjà bien enclenché. « Alors que la technologie a été considérée comme la clé de la supériorité opérationnelle, la main-d’œuvre a été vue comme des frais généraux et les niveaux d’activité ont été réduits », a ainsi affirmé le général Houghton, pour qui la trajectoire actuelle suivie par la Défense britannique conduit à une « structure de force stratégiquement incohérente », avec des matériels technologiquement avancés mais avec des ressources humaines, qualifiées et entraînées, « insuffisantes » pour les mettre en oeuvre.

Ainsi, par exemple, les effectifs des forces terrestres britanniques ont été ramenés à 82.000 hommes, soit le niveau le plus bas depuis la guerre des Boers. En contrepartie, il est prévu de recruter entre 20.000 et 30.000 réservistes. Seulement, un récent rapport en diffusion restreinte a affirmé que la British Army « ne réussit pas actuellement à attirer et à recruter suffisamment de personnels de réserve. Les données chiffrées de la réserve pour le premier trimestre sont décevantes. Si cela continue, elle ne réalisera pas ses objectifs de flux de recrutement à la fois pour cette année et l’an prochain ».

Et la Royal Navy – qui atteint dangereusement le seuil critique, selon le général Houghton – ainsi que la Royal Air Force ont aussi subi de fortes réductions d’effectifs, avec en prime une diminution des commandes de nouveaux équipements, voire même des ruptures capacitaires.

« Sans une légère hausse des dépenses militaires lors de la prochaine législature, il ne sera pas possible d’atteindre les structures de forces énoncées dans la revue stratégique de défense et de sécurité de 2010 », a averti le général Houghton.

« Des ressources nationales contraintes combinées à une réserve politique et sociétale sur le bénéfice que peut apporter l’utilisation de la force militaire ne crée pas un environnement favorable pour le financement de la Défense », a-t-il estimé.

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