Al-Qaïda est toujours en expansion, selon des experts américains

En 2011, certains avaient parier sur la fin d’al-Qaïda. Le « printemps arabe », parti de Tunisie, battait en brèche, selon eux, les thèses de l’organisation terroriste, qu’ils estimaient en perte de vitesse. Et la mort de son fondateur et chef, Oussama ben Laden, tué au Pakistan par un commando des Navy Seals, ne pouvait que les conforter dans leur analyse. Tout comme d’ailleurs les revers des jihadistes somaliens des milices Shebab face aux troupes africaines de l’AMISOM.

Seulement, les faits sont là. Au Sahel, la présence menaçante de groupes se réclamant d’al-Qaïda a justifié l’opération Serval au Mali. Dans un entretien récemment accordé à des médias algériens, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a estimé que l’intervention française pour libérer le Nord-Mali avait « permis d’affaiblir considérablement les groupes terroristes présents au Sahel, à commencer par AQMI (al-Qaïda au Maghreb islamique,ndlr). Et d’ajouter : « La menace n’a pas pour autant disparu et elle justifie la poursuite de la mobilisation internationale ».

Ancien chef de l’US CENTCOM, le commandement militaire pour l’Asie centrale et le Moyen Orient, le général en retraite James Mattis, a estimé, plus globalement, que les « les félicitations qui avaient été échangées il y a deux ans à la suite de l’annonce de la mort d’al-Qaïda étaient prématurées et sont aujourd’hui discréditées ». « Al-Qaïda est résiliente, elle s’adapte. Ses dirigeants ont été frappés très dur mais le mouvement est toujours en expansion. Il profite d’un nombre croissant de sanctuaires », a-t-il précisé, lors d’un colloque organisé par le centre de réflexion Jamestown.

Actuellement chef d’état-major interarmées, le général américain Martin E. Dempsey a été plus précis. « L’organisation al-Qaïda m’inquiète dans la mesure où elle se développe nettement, accroissant le nombre de ses membres et, dans certains cas, ses capacités », a-t-il affirmé. « Nous devons observer et déterminer lesquels, parmi les membres, sont locaux, régionaux et internationaux, chacun d’entre eux nécessitant une approche différente », a-t-il expliqué.

Cette estimation est partagée par Bruce Riedel, ancien membre de la CIA et actuellement chercheur à la Brookings Institution. « L’expansion d’Al-Qaïda à laquelle nous assistons dans le monde arabe est vraiment phénoménale, supérieure à ce que nous avons vu au cours de la première décennie de son existence », a-t-il déclaré, selon l’AFP.

Pourquoi al-Qaïda est donc toujours aussi dangereuse? En premier lieu, le désenchantement causé par les révolutions arabes est un des facteurs de son expansion. Du moins est-ce celui avancé par Bruce Riedel. « Pour ceux qui veulent rejoindre le mouvement jihadiste les événements au Caire et à Damas valident ce qu’ils ont toujours dit : seul le jihad est la solution aux problèmes du changement dans le monde arabe aujourd’hui », a-t-il expliqué.

Qui plus est, les groupes liés à al-Qaïda ont accès à des territoires difficilement contrôlables. C’est notamment le cas du Sinaï, où ils proliférent, et des zones tribales pakistanaises, en particulier le Nord-Waziristan, ou encore en Irak, au Yémen, en Syrie et en Libye. D’ailleurs, le sud-libyen est particulièrement concerné, de même que la région de Benghazi, où, selon le journal allemand Welt am Sonntag, une conférence de 3 jours a récemment réuni des représentants d’organisations jihadistes libyenne, marocaine et tunisienne ainsi que d’AQMI et du Front al-Nosra syrien.

Justement, la situation en Syrie a de quoi préoccuper les responsables des services de renseignement. Ce pays, où le pouvoir de Bachar el-Assad est contesté par une rébellion armée, est considéré par Ayman al-Zawahiri, le successeur de Ben Laden, comme un « terrain d’action prometteur ». Si de nombreux jihadistes venus de du Maghreb, de Tchétchénie ou du Pakistan y sont présents, ceux originaires des pays occidentaux poseront un réel risque terroriste quand ils reviendront chez eux (s’ils reviennent!). Dans l’immédiat, le danger est de voir s’établir une base jihadiste en Syrie, à partir de laquelle Israël et l’Europe seraient menacés.

Au Yémen, la situation est tout aussi délicate, même si elle ne fait pas la une des journaux. Le pays abrite al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui est sans doute le plus dangereux des groupes affiliés à l’organisation fondée par Ben Laden. De récentes attaques contre des objectifs militaires (l’un d’entre elles, contre un hôpital située dans le complexe du ministère de la Défense, à Sanaa, a récemment fait plus de 50 tués) laissent penser que les jihadistes ont infiltrés les services de sécurité du pays. Ou du moins qu’ils bénéficient de complicités. Ce qui revient au même.

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