Les pays baltes et la Pologne à portée de tir de missiles russes Iskander

Le bouclier antimissile qu’entend mettre en place l’Otan en Europe ne vise personne en particulier. Mais l’argument généralement avancé pour expliquer sa raison d’être porte sur la menace que représente les missiles balistiques iraniens, lesquels pourraient être dotés de têtes nucléaires. De son côté, la Russie exige la garantie écrite que ce système de défense ne concerne pas ses forces stratégiques, et donc, sa capacité de dissuasion. Chose que l’Alliance, qui ne veut pas se lier les mains, refuse.

Seulement, l’accord préliminaire concernant le programme nucléaire iranien conclu le mois dernier entre le groupe des 5+1 (membres permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne) et Téhéran, a donné de nouveaux arguments à Moscou pour contester ce projet de bouclier antimissile. Et cela, même si les négociations sont loin d’être terminées pour arriver à un arrangement définitif.

« Si le programme nucléaire iranien était complètement arrêté et placé sous le strict contrôle de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique, ndlr), les arguments actuels justifiant la mise en place d’un bouclier antimissile en Europe ne seraient plus valables », a ainsi affirmé Sergueï Lavrov, lors d’une récente réunion avec les ministres des Affaires étrangères de l’Otan à Bruxelles.

Les propos de M. Lavrov n’ont pas fait bouger d’un iota la position américaine. « Nos projets concernant la défende antimissile en Europe restent inchangés. Les Etats-Unis déploieront par étapes de leurs moyens de protection et considèrent ce travail comme une contribution au projet commun de l’Otan », a ainsi déclaré Laura Lucas, porte-parole du Conseil national de sécurité, à la Maison Blanche.

« Même si un accord devait être conclu dans les six prochains mois, l’Iran conservera ses capacités d’enrichissements et sera toujours en mesure de produire une arme nucléaire à l’avenir en beaucoup moins de temps qu’il n’en faudrait aux Etats-Unis et à l’Otan pour déployer un système de défense antimissile en Europe », a expliqué le sénateur James Inhofe au blog « The Cable ». Et d’ajouter : « En outre, un système efficace de défense antimissile est une couverture importante par rapport aux autres nations qui pourraient choisir de suivre les traces dangereuses de l’Iran et de la Corée du Nord et il peut être efficace en matière de non-prolifération ».

Reste que, pour la Russie, ce type d’explication est loin de convaincre. En Chine aussi d’ailleurs, où l’on est, dit-on, tout aussi préoccupé qu’à Moscou au sujet de la mise en place de ce système de défense antimissile. Aussi, la décision prise par les autorités russes de déployer des missiles Iskander, d’une portée de 500 km, dans l’enclave de Kaliningrad, donc à la frontière avec la Pologne et la Lituanie, est une réponse à l’intransigeance de l’Otan dans cette affaire, la menace d’un tel déploiement étant dans l’air depuis 2011

A moins que, et il n’est pas interdit de le penser, qu’il s’agisse également d’un mouvement d’humeur à l’égard de l’Union européenne… Moscou étant hostile de tout rapprochement de l’Ukraine avec cette dernière.

Quoi qu’il en soit, la présence de ces missiles Iskander à Kaliningrad n’est pas fait pour rassurer la Pologne et les pays baltes, qui ont de bonnes raisons historiques de craindre leur voisin russe. « C’est une affaire de l’Otan tout entière et (…) il faut s’attendre à des consultations et réactions sur le forum de l’Otan et de l’UE », a-t-on fait valoir à Varsovie.

« Il est clair que c’est une nouvelle alarmante, car il s’agit d’un argument modifiant l’équilibre des forces dans notre région. Il ne change pas l’équilibre des forces entre l’Otan et la Russie mais celui des forces dans la région. Il menace des villes baltes et des infrastructures dans la région de la Baltique. Bien sûr, il nous faut penser comment défendre la région plus efficacement dans le cas d’une crise hypothétique parce qu’il est clair qu’il s’agit d’armes dangereuses », a commenté, de son côté Artis Pabriks, le ministre letton de la Défense.

Son homologue estonien, Urmas Reinsalu, n’a pas dit autre chose. « Toute croissance des capacités militaires de la Fédération de Russie dans notre région est source de préoccupation », a-t-il affirmé.

Ces préoccupations ont été relayées par les Etats-Unis (à Bruxelles, l’on doit sans doute chercher encore le numéro de téléphone du Kremlin) auprès de la diplomatie russe. « Nous avons exhorté la Russie à ne prendre aucune mesure qui déstabilise la région », a ainsi  indiqué Marie Harf, la porte-parole adjointe du département d’Etat, en précisant qu’un dialogue direct avait eu lieu entre Washington et Moscou.

« Nous avons partagé avec la Russie les inquiétudes qu’a la région. (…) Nous savons bien sûr que les pays de la région ont fait part de leurs préoccupations, et nous ne cessons d’en parler avec eux », a-t-elle ajouté.

Quant au commandant suprême allié en Europe (SACEUR), le général américain Philip Breedlove, il s’est dit inquiet. « Les informations selon lesquelles la Russie a déployé ses missiles tactiques Iskander près des frontières de l’Union européenne suscitent l’inquiétude de l’Otan », a-t-il dit.

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