Avec l’intervention en Centrafrique, le financement des opérations extérieures fait à nouveau débat

Contrairement à ce que qu’affirme le blog « Les décodeurs », mis en ligne par le quotidien Le Monde, le budget de la Défense tient évidemment compte des opérations extérieures (opex). En 2013, une enveloppe de 630 millions d’euros avait été prévue à cet effet. Une somme insuffisante avec l’intervention de l’armée française au Mali puisque son montant a largement été dépassé, atteignant 1,2 milliard d’euros.

Mais c’est une constante en France : chaque année, les sommes prévues pour couvrir les surcoûts des opérations extérieures (qui ne sont pas d’un milliard par an depuis 2000, en moyenne, comme l’affirme Les Décodeurs du Monde) sont systèmatiquement sous-évaluées.

Afin d’éviter que l’on puise dans les crédits d’équipements pour combler la différence, la dernière Loi de programmation militaire avait introduit une clause selon laquelle les dépassements de l’enveloppe initialement affectée aux opex soient pris en charge par la réserve de précaution ministèrielle, abondée, en principe, par l’ensemble des ministères.

C’est ce qui s’est passée cette année : la loi de finance rectificative prévoit environ 580 millions supplémentaires (sur les 3 milliards de dépenses nouvelles, entièrement compensés par des annulations de crédit) pour financer le dépassement constaté du montant initialement inscrit au budget de la Défense, lequel a dû par ailleurs contribuer à hauteur de 650 millions à la réserve de précaution ministèrielle (soit 20% de l’effort demandé à l’ensemble des missions de l’Etat).

Cette clause a été reconduite dans la LPM 2014-2019 définitivement adoptée par le Parlement la semaine passée. Cette dernière prévoit également de porter l’enveloppe affectée aux opex à seulement 450 millions d’euros. Et cela dès 2014.

« La baisse des crédits programmés pour les opex me paraît donc constituer plutôt une avancée qu’un recul (…). Si les surcoûts sont entièrement supportés par le ministère de la défense, cela oblige à amputer une fois encore les crédits d’équipements. Je suis désolé, ou plutôt ravi, de vous dire que cette année, les surcoûts des opex feront l’objet d’un financement interministériel », a assuré Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, lors d’une audition devant la commission élargie relative à l’examen du la loi de finances initiale.

Sauf que les choses ne risquent pas de se passer comme le croit le ministre. Avec la mission Sangaris en Centrafrique – dont les surcoûts ont été évalués à 150 millions sur un an par l’Elysée – et la poursuite de l’opération Serval au Mali, le président (UMP) de la commission des Finances de l’Assemblée a quelques craintes.

« Alors qu’on est au Mali et depuis quelques jours en Centrafrique, l’inscription en loi de finances initiale est de 450 millions d’euros. Il est d’ores et déjà évident que ce montant représente à peine la moitié, peut-être même le tiers de ce dont nous aurons besoin en 2014 », a-t-il affirmé.

Sauf que les effectifs de l’opération Serval devraient baisser, que Sangaris est une mission de « courte durée » (du moins, ce que souhaite le gouvernement) et les forces françaises vont se retirer du Kosovo). Mais il est aussi vrai qu’une nouvelle intervention est toujours possible.

Quoi qu’il en soit, si M. Carrez a raison, la question sera donc de connaître la contribution du ministère de la Défense à la réserve de précaution ministérielle qui servira à combler la différence. Cette année, sa part aura été, comme il a été dit plus haut de 20%. Combien à l’avenir?

« C’est un enfumage budgétaire classique dont les spécialistes de Bercy ont le secret et qui concrètement se traduit par des annulations de crédit pour le matériel en cours d’année. Comme il est difficile de couper ailleurs, on tape dans le régalien, ce qui est catastrophique », a déploré le député de Paris (UMP) Pierre Lellouche. Ce dernier plaide d’ailleurs pour la création d’un fonds européens permanents qui servirait justement à financer les opérations extérieures menées pour la sécurité de l’UE. Comme celle au Mali.

« La situation est devenue insupportable sur le plan financier mais aussi sur le plan politique: nous sommes de facto devenus les mercenaires gratuits des pays de l’Union européenne qui regardent ailleurs quand il y a des problèmes majeurs intéressant la sécurité du continent », s’est emporté Pierre Lellouche. « Car nous n’intervenons pas en Afrique par je ne sais quel mercantilisme, mais contre le risque d’instabilité régionale et d’implantation de foyers terroristes ou islamistes radicaux qui peuvent avoir des conséquences sur l’Europe », a-t-il ajouté.

En attendant, l’idée de créer un fonds européens pour les interventions militaires extérieures a été reprise au vol par le président Hollande, qui devrait l’évoquer lors du prochain Conseil européen consacré aux affaires de défense et de sécurité. Sera-t-il entendu?

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