La Défense britannique renonce à externaliser sa fonction d’achat d’équipements militaires

Imaginez que l’on privatise un jour une structure comme la Direction générale de l’armement (DGA), avec pour seule explication l’impératif de réaliser des économies, que l’on espérera substantielles, dans la gestion des grands programmes d’équipement des forces armées. Et que cette fonction puisse être confiée à un groupe étranger.

Vous pensez qu’un tel projet est improbable? Pour la France, vous aurez très certainement raison (encore que, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve). En revanche, pour le Royaume-Uni, vous auriez eu tort. Car un telle idée était dans les cartons jusqu’au 10 décembre dernier, jour où elle a finalement été abandonné.

Le projet du ministre britannique de la Défense, Philip Hammond, était donc d’externaliser la gestion des programmes d’armement, une fonction assumée par la Defense Equipment and Support (DE&S), à une nouvelle structure, privée, appelée Government-owned, contractor-operated (GOCO), l’idée étant de rationaliser les opérations d’acquisition de matériels en appliquant les méthodes du secteur privé, afin d’éviter les retards et les dépassements de coûts de certains projets d’équipement. En clair, le MoD veut en avoir pour son argent et ne plus dépenser plus qu’il n’est nécessaire. Ce qui est somme toute normal.

La DE&S gère un budget annuel de 14 milliards de livres sterling. C’est à elle que revient le soin d’acquérir les armes, navires, blindés et autres aéronefs pour le compte des forces armées britanniques.

Un appel à candidature a donc été lancé dans le cadre de ce projet d’externalisation. Trois consortiums y ont répondu dans un premier temps. L’un d’eux, réunissant URS, KBR et Balfour Bealty, a jeté l’éponge l’été dernier. Un second, comprenant l’américain CH2MHill et le britannique Serco and Atkins, en a fait de même en novembre, estimant finalement que ce projet n’était pas commercialement viable. Restait donc seul en lice celui emmené par le groupe Bechtel, également originaire d’outre-Atlantique, et le cabinet PricewaterhouseCoopers.

D’un coup, avec un seul candidat, l’appel d’offres avait perdu sa raison d’être. « Il n’y a plus de processus concurrentiel » a ainsi admis Philip Hammond, lors de l’annonce de l’abandon du projet GOCO, le 10 décembre. « Nous avons donc conclu que les risques de continuer avec un seul soumissionnaire sont trop grands pour être acceptables », a-t-il ajouté, devant les parlementaires britanniques.

Désormais, il est question de réformer en profondeur la fonction « achat » du MoD, laquelle emploie 16.300 personnes. Une nouvelle entité, indépendante, verra le jour et sera placée sous la responsabilité de l’homme d’affaires Bernard Gray. Elle devra fonctionner comme un organisme privé et pourra embaucher (et licencier) du personnel en fonction de ses besoins et aura à présenter, chaque année, un rapport sur ses activités au Parlement.

En attendant, le programme GOCO a coûté 7,4 millions de livres. Et outre-Manche, cette facture a dû mal à passer étant donné que, par ailleurs, on demande aux militaires britanniques de faire des économies.

« Nous avons investi dans l’analyse détaillée non seulement pour comprendre les problèmes de matériel et de soutien de la DE&S) mais aussi pour examiner soigneusement les diverses options pour méliorer le processus complexe d’approvisionnement de la défense », a justifié un porte-parole du MoD.

« Cette analyse a fourni de précieux renseignements qui aideront à réaliser des économies à long terme et à passer à une nouvelle organisation. Le montant total consacré à la stratégie de matériel représente une très faible proportion du budget de 14 milliards de la DE&S », a-t-il ajouté. A ce tarif là, espérons que le MoD en a eu pour son argent.

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