Le financement de l’opération Sangaris par l’Union européenne en débat à l’Assemblée

A quelques exceptions près, l’ensemble de la classe politique française soutient l’opération Sangaris. « Il était temps d’agir (…) Ici même à Bangui près de 400 personnes ont été tuées. Il n’était plus le temps de tergiverser », a encore fait valoir le président Hollande, le 10 décembre, lors d’une courte visite en Centrafrique.

Mais, inévitablement, la question du financement de cette opération a été posée lors du débat organisé le même jour au Parlement sur « l’engagement des forces armées en République centrafricaine ».

Dimanche, le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a assuré à l’antenne de BFMTV que « l’argent n’est pas un problème » dans cette affaire. « Ces choses là sont budgétées. Il existe une provision pour les opérations exceptionnelles », a-t-il indiqué. L’on aimerait bien savoir laquelle… La loi de finances rectificatives prévoit en effet 578 millions d’euros supplémentaires aux 630 millions inscrits au budget 2013 du ministère de la Défense pour financer les surcoûts des opérations extérieures (opex), à cause notamment de l’intervention au Mali. Est-ce à dire que celle en Centrafrique avait été anticipée?

Lors du débat à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, n’a pas dit autre chose. »La prise en charge du coût des opex est prévue au budget de l’État, via la prévision spécifique au budget de la défense et la clause de garantie figurant, je le répète, dans le projet de loi de programmation militaire. Le financement de l’opération Sangaris est donc assuré », a-t-il affirmé, en confirmant, au passage, le désengagement des forces françaises du Kosovo.

La clause évoquée par le chef du gouvernement figure dans l’article 3bis du projet de loi de programmation militaire (LPM). Elle prévoit un financement interministériel en cas de dépassement de l’enveloppe dédiée aux opex par le ministère de la Défense. Faut-il alors comprendre que d’autres crédits gelés seront finalement annulés pour compenser cette nouvelle dépense?

Le 8 décembre, sur le plateau de France24, le président Hollande avait quant à lui expliqué que la mission Sangaris « ne devrait rien coûter » à la France étant donné que « l’Europe allait assurer pour 50 millions d’euros le financement de cette opération ». Sauf que, comme l’a annoncé José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, cette somme est destinée à financer la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), la force panafricaine déployée sous l’égide l’Union africaine.

A propos de l’Union européenne, les députés socialistes ont estimé qu’elle était « aux abonnés absents » dans cette affaire centrafricaine et réclaré une « franche explication » à l’occasion du prochain sommet européen dédié aux questions de défense.

« Où est l’Europe? Où sont ses troupes, où est son aide? Une nouvelle fois, l’UE est aux abonnés absents », a déploré Annick Lepetit,  porte-parole du groupe PS à l’Assemblée, lors d’une conférence de presse. « On peut comprendre l’amertume de nos compatriotes qui ne comprennent pas toujours pourquoi notre pays est à la fois le bouclier et le payeur », a-t-elle poursuivi.

Et d’ajouter : « Soit l’investissement que la France consacre à la sécurité commune est pris en compte dans le calcul de ses déficits, soit l’Europe accepte de mutualiser le financement des opérations extérieures comme le propose d’ailleurs François Hollande ». Mais, a-t-elle conclu, « dans tous les cas de figure, la France ne doit plus payer deux fois le prix du sang. C’est aussi ça la solidarité de l’Europe ». Manifestement, les garanties données sur le financement de la mission Sangaris n’ont pas l’air d’avoir été convaincantes…

Dans l’hémicycle, le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, y est aussi allé de son couplet. « L’Union européenne ne joue pas pleinement son rôle. Notre groupe sait que le gouvernement profitera pleinement du prochain Conseil européen dédié aux questions de défense pour obtenir de l’Europe qu’elle déploie enfin tous les outils dont elle dispose pour défendre la paix et la sécurité au-delà de ses frontières », a-t-il fait valoir.

Présidente de la commission des Affaires étrangères, Elisabeth Guigou a établi un constat plus nuancé, en rappelant que l’Union européenne avait doublé son aide humanitaire à la Centrafrique et décidé de financer la Misca. Elle « a confirmé son soutien politique et financier à l’opération française », a-t-elle ajouté. Mais, « c’est un fait indéniable, notre pays est, comme au Mali, le seul État européen à combattre sur le terrain », a-t-elle souligné.

« Se pose évidemment la question du partage du fardeau financier de telles opérations militaires. Car la France, quand elle intervient au Mali ou en Centrafrique, protège aussi la sécurité des Européens », a poursuivi Mme Guigou. D’où sa demande que soit « examinée la création d’un fonds permettant de financer les interventions militaires soutenues par l’Europe » et que soient « enfin » utilisés les « groupements tactiques opérationnels (GTUE, ndlr) créés pour participer à des opérations militaires extérieures ».

« Ces groupes militaires, qui n’ont donc jamais été utilisés, auraient pu être très utiles pour soutenir, en amont, l’action de l’ONU en Centrafrique. Ils auraient pu être utilisés en attendant que la situation soit suffisamment stabilisée pour permettre le déploiement d’une opération de maintien de la paix. D’ailleurs, je sais que l’éventuel déploiement d’un groupement tactique a été évoqué dans le cadre de la crise en République centrafricaine », a expliqué Elisabeth Guigou.

Seulement, ce serait oublier un détail important : dans sa résolution 2127, le Conseil de sécurité des Nations unies a donné un mandat aux troupes françaises de prendre les mesures nécessaires pour apporter un appui à la Misca. A aucun moment, il n’est fait mention de forces de l’Union européenne pour mener à bien cette mission.

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