Le projet de Loi de programmation militaire 2014-2019 adopté à l’Assemblée

Sans surprise, l’Assemblée nationale a adopté le projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, le 3 décembre, par 292 voix contre 251. Dans les grandes lignes, ce texte prévoit 190 milliards d’euros de crédits sur la période concernée, un budget annuel maintenu à 31,4 milliards d’euros jusqu’en 2016 et la suppression de 34.000 postes, dont 7.881 en l’an prochain.

Dans le détail, l’UMP et les centristes de l’UDI ont voté contre ce projet de LPM, de même que les députés du Front de gauche et les écologistes, bien que ces derniers ont deux représentants au gouvernement.

Seul les députés socialistes et radicaux ont donc soutenu ce texte. Au nom du PS, Christophe Léonard a fait valoir que ce projet de LPM était « ambitieux et réaliste dans un contexte budgétaire serré », avec « la volonté de doter le pays d’un modèle d’armée cohérent et opérationnel », le maintien d’une « industrie d’armement parmi les premières du monde » tout en respectant les militaires et les territoire. Comme il est de coutume, le parlementaire a renvoyé l’ancienne majorité à son bilan en la matière. Sans doute serait-il temps d’arrêter ces chicayas qui ne font pas avancer le débat. L’on y reviendra.

Pour le groupe écologiste, son co-président, François de Rugy, a expliqué son opposition à cette loi de programmation en affirmant qu’elle s’inscrit « dans la continuité des précédentes », malgré « quelques inflexions » et qu’elle « entretient le mythe d’une puissance globale que la France n’est plus ». Encore une fois, la question de la dissuasion nucléaire pose problème pour cette formation politique, qui plaide pour « rouvrir le débat » à son sujet. Une volonté « de plus en plus partagée », a-t-il fait le député.

Au Front de gauche, Jean-Jacques Candelier a quant estimé que le projet de LPP « place nos armées sur le fil du rasoir » avant de s’inquiéter de « l’effondrement de la disponibilité des équipements et du temps d’entraînement dans les unités qui ne sont pas en opération ». Et d’ajouter : « La réduction du nombre de frégates, de patrouilleurs et d’avions de combat, la limitation du nombre de jours en mer des navires ou du temps d’entraînement des pilotes mettent en péril la protection de notre espace aérien et maritime ».

« Avec cette LPM, nous n’avons pas vu la stratégie d’avenir que la France se devait de mettre en exergue. Nous appelons le gouvernement à faire de la défense la priorité régalienne qu’elle devrait être et qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être », a fait valoir Philippe Folliot, au nom de l’UDI, en déplorant que ce « texte (…) se contente le plus souvent de manipuler les chiffres, sans prendre de décisions claires et ambitieuses ».

Pour l’UMP, le député Philippe Meunier, et c’est de bonne guerre, y est allé de son couplet sur « les années calamiteuses de la gauche plurielle » en matière de défense (ndlr, une année de crédits d’équipements annulée) en avançant qu’il a « fallu dix ans (…) pour redonner à notre pays sa capacité d’intervenir sur les différents théâtres d’opérations extérieures ».

Mais ses critiques ont surtout porté sur la trajectoire financière de la LPM. « Votre programmation budgétaire n’est pas sanctuarisée. Les budgets 2014, 2015 et 2016 ne prendront pas en compte l’inflation. Nos armées perdront ainsi plus de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat » a-t-il lancé, en pointant le niveau élevé des recettes exceptionnelles (6,5 milliards) attendues ou « espérées ».

« Souhaitons pour l’intérêt national que votre pari risqué sur l’export soit tenu. Ce n’est malheureusement pas la décision de votre gouvernement d’amputer de 650 millions d’euros le budget 2013 de la défense dans le cadre du projet loi de finances rectificative qui accorde de la crédibilité au financement de votre loi de programmation militaire », a-t-il également affirmé.

Il y aurait beaucoup à dire sur les débats qui ont précédé l’adoption de ce texte. Si l’on peut regretter certains propos caricaturaux tenus de chaque côté de l’Hémicycle ou encore l’incident de séance provoqué par Bruno Le Roux, chef de file des socialistes au Palais-Bourbon, quelques élus ont cherché à aller au-delà de la posture faisant reprocher aux uns ce qu’eux-même firent quand ils étaient dans la majorité, et vice-versa. Cela a notamment été le cas – et le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, l’a même souligné, des députés François Cornut-Gentille, Frédéric Lefebvre et Henri Guaino, ce dernier ayant « commis » une intervention remarquée (mais devant des rangs clairsemés…).

« Il est des sujets qui dépassent la droite et la gauche. Sur tous les bancs de cette assemblée la plupart d’entre nous partageons la conviction que la Défense appartient à cette catégorie. Cela n’enlève rien à la vivacité du débat démocratique », a-t-il commencé par dire. Au sujet des vote des uns et des autres concernant la LPM, ils « ne dessineront pas la ligne de fracture entre les bons et les mauvais patriotes et pas davantage entre ceux qui attachent de l’importance au sort de nos armées et ceux qui y sont totalement indifférents », a-t-il ajouté.

L’ancienne « plume » du président Sarkozy a surtout remis en cause la logique comptable dans laquelle tous les gouvernements, de droite comme de gauche, se sont laissés enfermer en matière de politique de défense en posant cette question : « Où s’arrêtera-t-on? »

« Mais ce que nous faisons est-il encore raisonnable? Est-il respectueux de nos soldats? Le comptable qui raye d’un trait de plume, sans état d’âme, un régiment, mesure-t-il la perte que cela représente? Mesure-t-il ce qu’un régiment recèle de traditions, de valeurs et de mémoire Mesure-t-il l’atteinte portée à l’identité et à l’équilibre d’un territoire, d’une ville? Prend-il jamais cela en compte dans la balance des coûts? », a-t-il demandé.

Et d’ajouter : « Quand nous aurions liquidé tous les bateaux, tous les avions, fermé toutes les bases, dissout tous les régiments, serions-nous plus riches, plus prospères, nos finances publiques seraient-t-elles rétablies? La réponse est non : l’économie et la société n’obéissent pas à une arithmétique comptable. Depuis que nous taillons aveuglément dans les budgets de la Défense nos déficits publics se sont-ils réduits? Ils ont augmenté et ces coupes aveugles n’ont fait qu’accentuer les désordres qui règnent dans l’économie et dans les sociétés et qui sont les vraies causes de la crise de nos finances publiques ».

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