M. Le Drian : « Le déclassement, cela suffit! »

L’on retient des différentes auditions des chefs d’état-major devant les commissions concernées du Sénat et de l’Assemblée nationale que le projet de Loi de programmation militaire 2014-2019 préserve l’essentiel, c’est à dire des capacités permettant l’entrée en premier sur un théâtre d’opérations et la cohérence des forces armées. Etant donné le contexte budgétaire, cela n’est possible qu’avec une diminution supplémentaire des effectifs et des moyens ainsi qu’avec l’étalement dans le temps de certains programmes d’équipements.

En 2019, les effectifs des forces terrestres projetables seront ramenés à 66.000 hommes, ce qui correspond pratiquement au nombre des personnels civils employés par le ministère de la Défense, l’armée de Terre devant se passer de l’équivalent d’une brigade. L’armée de l’Air aura vu sa flotte d’appareils de combat être divisée par deux en l’espace de 10 ans, avec un risque de rupture capacitaire concernant ses avions-ravitailleurs (seulement 2 A-330 MRTT seront commandés).

Quant à la Marine nationale, qui a la charge d’assurer la surveillance et la protection du 2e domaine maritime mondial, elle se voit obliger de renoncer à certaines missions pour concentrer ses moyens sur d’autres. « Dans 10 ans, nous ne ferons plus tout ce que nous savons faire aujourd’hui », avait affirmé son chef d’état-major, l’amiral Rogel, en juillet dernier.

En 2012, la commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale avait, dans un rapport posé cette question : « Peut-on encore réduire un format ‘juste insuffisant’? » A priori, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013 ainsi que sa traduction financière avec la LPM, ont apporté une réponse….

Mais, avec un contrat opérationnel fixé à 15 000 hommes et à 45 avions de combat, certains craignent un déclassement stratégique, ou du moins un décrochage, de la France. Et il est à redouter, en effet, que les forces françaises ne puissent plus mener plusieurs opérations à la fois et dans la durée. D’où l’expression d' »armée bonsaï ».

Qui plus est, des doutes s’expriment, notamment à cause de l’importance des recettes exceptionnelles (plus de 6 milliards, soit 2 fois plus que lors de la précédente loi de programmation), dont ignore si elles seront toutes au rendez-vous. Plus encore, il n’est pas exclu de voir une dégradation de la situation économique, ce qui conduirait Bercy à lorgner sur les dépenses militaires…

Cependant, la dissuasion nucléaire est « sanctuarisée », les moyens dédiés au renseignement seront renforcés, de même que les forces spéciales et la cyberdéfense, et des programmes structurants seront lancés (Scorpion notamment). Aussi, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, réfute toute idée de « déclassement stratégique ». Et il l’a affirmé avec force lors de l’examen du projet de LPM 2014-2019, le 27 novembre, à l’Assemblée nationale.

« J’ai observé que le thème du ‘déclassement stratégique’ a hanté certains propos (…) mais je dois dire que même en cherchant bien je n’ai trouvé nulle trace de quelque dérive que ce soit dans ce projet de loi de programmation militaire », a-t-il ainsi affirmé.

« Je ne considère absolument pas que nous ayons renoncé à notre rang. À force d’entendre cette espèce d’acharnement, il y a de quoi être un peu surpris. Cette ‘boulimie’ de déclinisme me paraît être un plaisir malsain, voire presque coupable lorsqu’il s’agit des enjeux liés à la sécurité du pays », a ajouté M. Le Drian.

Et d’insister : « Comment peut-on prétendre sérieusement que nous perdrions notre rang ou notre souveraineté avec une armée qui comptera; en 2019; 185.000 militaires, 225 avions de chasse, 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, un porte-avions nucléaire, 15 frégates de premier rang, 6 sous-marins d’attaque, des capacités d’entrée en premier (…) sur des théâtres de guerre comme de gestion de crise, des forces spéciales renommées et renforcées qui passent de 3.000 à 4.000 hommes, des moyens de transport stratégique en voie de renouvellement, le lancement d’une dizaine de satellites militaires dans les années à venir? ».

Précisons, toutefois, que sur les 6 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), il n’y aura qu’un seul de nouvelle génération (programma Barracuda) et qu’au sujet des frégates de « premier rang », l’on y inclut 5 frégates légères furtives…

Reste que pour M. Le Drian, « il n’est pas très sérieux de continuer à tenir ce discours du déclin annoncé voire (…) de la ‘défense bonsaï’. Si elle est ‘bonsaï’, c’est avec des bonsaïs géants ou grotesques! Vraiment, je trouve que ces propos finissent par être un peu déplacés. Je serais même tenté de dire à ce moment : le déclassement, cela suffit!.

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