Les armateurs français pourront bientôt avoir recours à des équipes privées de protection

A la différence de la plupart de leurs homologues européens, les armateurs français ne sont pas autorisés à solliciter les services de sociétés militaires privées (on dit Entreprises de services de sécurité et de défense en France) pour protéger leurs navires dans les zones où sévit la piraterie maritime.

Il faut dire que, en France, ce sujet est tabou, ce qui laisse le champ libre aux 1.500 SMP anglo-saxonnes pour se partager un marché évalué entre 200 et 400 milliards de dollars. La demande existe, ce qu’un rapport rédigé par les anciens députés  Jean-Claude Viollet et Christian Ménard avait mis en avant en 2012.

Les deux parlementaires en avaient d’ailleurs appelé à une évolution de la législation française en la matière. Seulement, à l’époque, le gouvernement en place n’en avait pas voulu en entendre parler. « Il ne peut pas y avoir de sociétés militaires privées en France », avait commenté Gérard Gachet, alors porte-parole du ministère de la Défense.

Seulement, cette réponse ne pouvait pas satisfaire les armateurs, qui n’avait que la possibilité de solliciter des Equipes de protection embarquées (EPE) fournis par la Marine nationale, au gré de ses possibilités. Et certains menacèrent de « dépavillonner » leurs navires.

En juin dernier, le chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Edouard Guillaud, avait fait part de son exaspération lors d’une audition au Sénat. « Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage, et pour des raisons d’angélisme idéologique, malgré des rapports sur la situation, nous n’avons pas avancé », s’était-il emporté. Et d’ajouter : « Le risque, si nous n’agissons pas, outre le fait de voir nos anciens militaires employés par des SMP étrangères, est surtout que des armateurs sont prêts à se dépavillonner, avec les conséquences économiques qui en résulteraient! Il est contre-productif de faire l’amalgame avec une SMP qu’on emmènerait lors d’une OPEX faire de la protection ».

En septembre, devant la même commission sénatoriale, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’était dit « favorable à la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime, car la marine nationale ne peut pas tout faire ».

Dans un entretien accordé au Marin, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a confirmé une évolution prochaine de la législation en la matière. « C’est une demande forte de nos armateurs et nous l’avons entendue. Nous allons autoriser le recours à des équipes privées capables de compléter les missions assurées par la Marine nationale », a-t-il affirmé.

Cependant, a prévenu le chef du gouvernement, ce « recours sera encadré » et des « autorisations et agréments professionnels seront délivrés pour attester du professionalisme des entreprise et du respect de règles minimales fixées par décrets ». Et d’ajouter : « C’est un élément majeur pour donner aux armateurs une garantie de sécurisation de leurs équipages et de leurs cargaisons. Cette décision leur permettra de se positionner sur le marché à armes égales avec leurs homologues européens qui bénéficient de ce type de dispositifs ».

Par ailleurs, le Premier ministre a souligné, au cours du même entretien, la nécessité pour la France de sécuriser ses approvisionnements énergétiques, en adaptant la loi de 1992 sur les transports de produits pétroliers impose aux raffineurs de pétrole installés en France.

« L’enjeu aujourd’hui, c’est d’obliger ceux qui importent des produits pétroliers en France à le faire au moins en partie sous pavillon français », a expliqué M. Ayrault. « C’est fondamental pour notre sécurité énergétique: pour sécuriser nos approvisionnements, nous ne pouvons pas dépendre entièrement de flottes étrangères », a-t-il ajouté.

Le recours aux équipes privées de protection embarquées et la modification de la loi de 1992 « seront mis en oeuvre sans attendre », a indiqué le Premier ministre.

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