Soldes : Le système Louvois devrait être abandonné

Selon le quotidien Le Figaro, l’audit mené par le ministère de la Défense au sujet du Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), responsable d’innombrables dysfonctionnements dans le paiement des salaires des militaires, est clair : ce système, mis en place en 2011, n’est pas viable. En conséquence, il devrait être abandonné, comme d’ailleurs cela avait déjà été préconisé pour l’armée de Terre, début de cette année, le contrôleur général des armées Christian Piotre.

« L’audit devait nous dire si le système était assez robuste pour être modifié, nous savons désormais que non », a ainsi déclaré, au journal, un conseiller de Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense. Ce dernier devrait faire des annonces à ce sujet lors d’un déplacement, le 3 décembre prochain, à Varces, là-même où il a prétendu avoir découvert l’ampleur des désastres provoqués par ce logiciel.

Depuis son raccordement aux systèmes de gestion RH (SIRH) du Service de santé des armées (SSA), de l’armée de Terre et de la Marine nationale, Louvois s’est avéré être une vraie « pétaudière ». Les dysfonctionnements qu’il a causés ont eu des conséquences douloureuses pour de nombreuses familles de militaires, les plongeant dans d’importantes difficultés financières. Aux problèmes de soldes incomplètes est venu s’ajouter celui des trop-perçus, avec là encore d’autres soucis, que ce soit avec les services fiscaux ou les caisses d’allocations familiales.

Il aura fallu près d’un an au ministère de la Défense pour prendre le taureau par les cordes, les premières grosses erreurs générées par Louvois étant apparues dès novembre 2011. A l’iniative de M. Le Drian, qui devait être quand même au courant des dysfonctionnements avant sa prise de fonctions (mai 2012), étant donné qu’il s’occupait des affaires militaires dans l’équipe de campagne de François Hollande, un plan d’actions a été mis en place pour tenter de remédier à cette situation pour le moins scandaleuse. Qui plus est, les tentatives de corriger le logiciel se sont révélées vaines : à chaque bug réglé, il en apparaît un autre.

Quant au nombre de militaires encore concernés par ce désastre, la confusion règne. Ainsi, en août, Louvois était responsable de 50% d’erreurs selon le chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Guillaud. « Ce sont donc 1.500 à 2.000 soldes (ndlr, dont 150 à 200 ‘nulles’) qui posent problème chaque mois », avait avancé Jean-Paul Bodin, le secrétaire général pour l’administration. « Finalement, sur 180 000 soldes, les erreurs de paiement sont au nombre de 200 par mois », avait prétendu le CGA Jacques Feytis, le directeur des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD).

Dans un récent rapport, les députés Damien Meslot et Geneviève Gosselin-Fleury ont largement évoqué le cas « Louvois » et tenté d’expliquer comment on en est arrivé à cette situation ubuesque. Parmi les raisons avancés, les défauts « intrinséquement » majeurs du calculateur, le pilote insuffisant du projet, le téléscopage des réformes, avec la disparition des Centres de traitement administratif du commissariat (CTAC), le manque de rigueur des tests préliminaires avant la « bascule », une appréciation des risques déficientes et l’absence de plan B au cas où les choses tourneraient mal.

« C’est bien à la direction des ressources humaines du ministère de la Défense qu’il revenait de piloter le projet, et c’est donc là qu’il faut rechercher les responsabilités des déboires actuels », avait affirmé le député Meslot.

Reste que malgré l’abandon de Louvois, le ministère de la Défense ne sera pas sorti des ronces… Car cela voudrait dire qu’il faudrait repartir de zéro, ce qui coûtera, d’après le CEMA, « plusieurs dizaines de millions d’euros non budgétés ». Cela se fera donc « sous enveloppe », aux dépens d’autres programmes. Et 3 ans seront nécessaires, toujours selon lui, pour mettre au point un nouveau système. En clair, Louvois n’a sans doute pas fini de faire parler de lui.

Et dire que François Michel Le Tellier de Louvois, le ministre de la guerre de Louis XIV, avait interdit aux armées françaises le pillage, jusqu’alors toléré pour compenser les arriérés de soldes et les retards dans le ravitaillement…

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