Le chef d’état-major de l’armée de Terre dénonce quelques contre-vérités

Il y a des critiques qui peuvent faire plus de mal que d’autres, surtout quand on a le sentiment de ne pas avoir démérité. Ces derniers mois, il a ainsi été reproché au ministère de la Défense une augmentation de sa masse salariale (7,7 milliards sur les 80,6 milliards de celle de l’Etat) alors que ses effectifs ont diminué. D’où la tentation de certains de dénoncer une « armée mexicaine », c’est à dire une armée où il y aurait plus de généraux et de colonels que de soldats.

Autre sujet à polémique, il a été dit, dans un récent rapport parlementaire, que « les obligations de maintien en condition physique et de formation continue des personnels militaires ne les rendent disponibles, théoriquement, que 1 000 heures par an environ alors que les civils le sont 1 600 heures » afin de justifier la civilianisation de certaines fonctions pour réaliser des économies.

Face à ces deux affirmations, le général Bertrand Ract-Madoux, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), a tenu à réagir lors d’une audition devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense.

Comme il l’avait déjà fait à une autre occasion, le général Ract-Madoux a insisté sur le fait que la masse salariale de l’armée de Terre est « maîtrisée », signe, selon lui, que cette dernière contrôle ses effectifs. « Hors Louvois, elle devrait afficher, en 2013, un solde budgétaire en léger excédent. Les années 2011 et 2012 ont été à l’équilibre hors mesures exogènes », a-t-il affirmé.

Quant à la masse salariale du BOP (budget opérationnel de programme) Terre, elle a « diminué de 10% entre 2010 et 2012 » et le « volume d’officiers au sein du ministère a, entre 2008 et 2013, été réduit de quelque 5% », a ajouté le CEMAT, soulignant au passage que celui du personnel civil de catégorie A avait augmenté « d’environ 25% » au cours de la même période.

Par ailleurs, le général Ract-Madoux a une nouvelle fois indiqué que « l’armée de terre éprouve quelque difficulté à se reconnaître dans l’objectif de ramener le taux d’encadrement ‘officier’ du ministère à 16 % », étant donné qu’il est déjà à 12%, voire même à 8% pour les forces terrestres, ce qui est largement inférieur à ce qu’il peut être constaté au sein d’autres armées européennes. « Cela supposerait une déflation considérable sur cette catégorie, qui a pu me sembler déraisonnable et déstructurante », a-t-il estimé.

« On nous a accusés de fabriquer une armée mexicaine. Mais les chiffres ont vite montré que la déflation du nombre d’officiers, dont celle des officiers généraux est une réalité », a encore insisté le CEMAT. A ceux qui ont fait remarquer (non sans malice parfois) que « la masse salariale décroissait moins vite que celle des effectifs », le général Ract-Madoux a répondu que « la loi de programmation (ndlr, 2009-2014) prévoyait que 50 % des économies seraient réutilisées pour valoriser la condition du personnel et notamment réaligner les rémunérations qui le nécessitaient ». Et d’ajouter : « Nous avons appliqué les mesures de revalorisation des rémunérations les plus basses : car 50 % de nos soldats touchent le minimum de la fonction publique ; nous avons augmenté leur solde, à moyens constants ».

En outre, le CEMAT n’a pas manqué de rappeler que le ministère de la Défense doit maintenant payer « le chômage des militaires que nous renvoyons à la vie civile », ce qui, évidemment, rogne les économies auxquelles on aurait pu s’attendre avec la déflation des effectifs.

Qui plus, il faut composer avec les turpitudes du système de paiement des soldes Louvois et les « mesures exogènes », dont l’armée de Terre n’est pas responsable. « Si, pour les officiers supérieurs, la prévision n’a pas été totalement respectée, c’est en raison du retour dans le commandement intégré de l’Otan : il a fallu conserver  400 officiers supérieurs pour occuper de nouveaux postes en état-major internationaux », a ainsi expliqué le CEMAT. Autre exemple qui a compliqué la tâche : l’obligation de faire passer officiers tous les pilotes d’hélicoptère de l’Aviation légère de l’armée de Terre.

Et le général Ract-Madoux d’enfoncer le clou : « Je veux dire ici que les accusations portées contre nous ont été très mal vécues. Aucun de nos militaires ne comprend par exemple qu’on puisse lui reprocher de ne travailler que 1 000 heures par an, contre 1 600 heures pour les civils, alors qu’il est de notoriété publique que les militaires ne comptent pas leur temps. Sur toutes ces questions, on a entendu certaines contre-vérités ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]