Le mystérieux assassinat du financier du réseau terroriste Haqqani

Le 10 novembre, des individus armés circulant à moto ont ouvert le feu sur « Docteur Sahib », un grand barbu qui achetait du pain chez un boulanger installé à Bhara Kahu, dans la banlieue d’Islamabad. L’affaire aurait pu s’arrêter à un banal règlement de comptes ou à un assassinat crapuleux. Sauf que la suite des évènements sera pour le moins curieuse…

Le corps de « Docteur Sahib » sera en effet rapidement escamoté par son chauffeur pour être d’abord emmené dans la maison où la « victime » vivait puis vers Miransah, dans le Nord-Wazirisitan, fief des jihadistes pakistanais.

Détail troublant : le convoi de 7 véhicules, dont quatre 4×4, qui a transporté la dépouille de « Docteur Sahib », a parcouru 400 km sans être inquiété en passant les barrages des forces de sécurité pakistanaise. Dans le même temps, des hommes présentés comme étant des « agents » de services de renseignement ont pris la peine de ramasser les douilles laissées devant la boulangerie où avait eu lieu la fusillade.

Par la suite, les autorités pakistanaises se sont montrées très discrètes sur cette affaire. Du moins jusqu’à l’annonce de l’ouverture d’une enquête, 4 jours après les faits, par le ministre de l’Intérieur. Et l’on comprend mieux les silences d’Islamabad quand l’on sait la vraie identité de « Docteur Sahib »…

En effet, ce dernier n’est autre que Nasiruddine Haqqani, le financier du réseau terroriste fondé il y a plus de trente ans par Jalaluddin Haqqani, responsable de plusieurs attaques contre les troupes de l’Otan et les intérêts indiens en Afghanistan. Cette organisation a fait du Nord-Waziristan sa base arrière pour ses opérations menées de l’autre côté de Ligne Durand.

Or, comme pour Ben Laden, qui s’était installé à Abbottabad, une ville de garnison, le fait que Nasiruddine Haqqani ait habité près d’Islamabad ne manque pas de susciter quelques interrogations sur sa proximité avec les services de renseignement pakistanais (ISI), lesquels sont fortement soupçonnés de soutenir en sous-main le mouvement taleb afghan, dont le réseau Haqqani fait partie. « Il est impossible qu’il ait pu vivre là sans que les services de renseignement n’aient été au courant », a affirmé, à l’AFP, un commerçant habitant la même rue que le financier du réseau Haqqani.  Ce qui expliquerait le silence gêné des autorités pakistanaises…

Pour les taliban pakistanais (TTP), combattus par Islamabad tout en étant proches de leurs homologues afghans et d’al-Qaïda, Nasiruddine Haqqani aurait été « tué en raison de son soutien à Hakimullah Mehsud (leur chef mort le 1er novembre dernier, ndlr) ». Et leur porte-parole, Shahidullah Shahid, d’ajouter : « Il y a un accord entre les États-Unis et le Pakistan. Les États-Unis ont abattu Hakimullah et les Pakistanais Nasiruddin Haqqani ».

A première vue, tout semble accréditer la thèse d’une opération commanditée par Islamabad. Mais il faut toujours se méfier des apparences, surtout au Pakistan, où le jeu entre les différentes factions est compliqué. Il n’est pas du tout exclu que Nasiruddin Haqqani ait été la cible d’un groupe rival.

Quoi qu’il en soit, il est certain que la mort du fils d’Haqqani porte un coup dur à son organisation, laquelle ne manque pas d’intérêts économiques étant donné qu’elle a investi dans les secteurs du transport et de la construction au Pakistan et qu’elle bénéficie d’aides financières de la part de « généreux » donateurs dans les pays du Golfe.

« Il est semble-t-il la personne qui dirige les réseaux de trafic et qui touche les paiements en cash de grandes firmes de transport, de construction et de télécoms qui opèrent dans la zone d’influence des Haqqani », a ainsi estimé, à son sujet, un rapport de l’académie militaire de Westpoint.

En septembre 2012, les Etats-Unis placèrent le réseau Haqqani sur leur liste des organisations terroristes, après un long débat interne au sein de l’administration Obama. L’idée était d’assécher ses sources de financement dans les pays du Golfe arabo-persique et d’inciter le Pakistan à mener contre lui des opérations militaires promises depuis longtemps par Islamabad.

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