Comment la DGSE échange des données avec la NSA… Et vice-versa

Les révélations du journal Le Monde, selon qui a National Security Agency (NSA), le service américain chargé des interceptions électroniques, aurait récolté plus de 70 millions de données téléphoniques en France de décembre 2012 à janvier 2013, ont suscité une vive réprobation de la part des autorités françaises. Idem en Espagne et en Italie, où, les quotidiens El Mundo et Espresso ont fait état d’une affaire similaire, sur la foi de documents transmis par Edward Snowden, l’ex-consultant de cette agence, actuellemenr réfugié en Russie (un hasard?).

Même s’il ne fait aucun doute que les services américains ne vont pas se gêner pour mener des opérations d’espionnage en France (ils l’ont toujours fait) comme les services français ne se privent pas de le faire outre-Atlantique, il n’en reste pas moins que cette affaire n’est sans doute pas celle que l’on pourrait croire…

Ainsi, le général Keith Alexander, le patron de la NSA et de l’US Cyber Command, a donné des précisions lors d’une audition devant la commission du renseignement de la Chambre des représentants, le 29 octobre. Selon lui, les informations publiées par quelques journaux européens sur les millions de données téléphoniques récoltées en France, en Espagne ou encore en Italie sont « complétement fausses ».

« Pour être parfaitement clairs, nous n’avons pas recueilli cette information sur les citoyens européens », a-t-il expliqué. « Cette information a été collectée par nous et nos alliés de l’Otan pour la défense de nos pays et en soutien à des opérations militaires », a-t-il pousuivi avant d’ajouter que les journalistes « n’ont, comme la personne qui a volé les données classifiées, pas compris ce qu’ils avaient devant les yeux ». Ce qui signifie que les « millions » de données téléphoniques – ou du moins une partie – ont été livrées à la NSA par la DGSE…

D’ailleurs, le général Alexander a confirmé un partage des informations allant dans les deux sens entre la NSA et les pays alliés. Mais il n’avait pas forcément besoin de le dire : on le savait déjà… Mais au vu des polémiques récentes, il est sans doute toujours bon de le répéter.

Des accords bilatéraux ont été conclu entre les Etats-Unis et leurs alliés à cette fin. Celui liant la DGSE à la NSA porte le nom de LUSTRE. Il s’agit d’un protocole d’échanges de données entre les deux services établi entre 2011 et 2012. Pour la partie française, il s’agit de transmettre les données brutes interceptées via les câbles sous-marins permettant les communications et provenant d’Asie centrale (Afghanistan) et d’Afrique.

Selon le Wall Street Journal, les interceptions effectuées par les sercices européens se font en dehors de leurs frontières. Les données sont ensuite envoyées à la NSA, qui les stocke, les compile et les analyse. La contrepartie est un renvoi d’ascenseur.

Par ailleurs, il ne s’agit pas d’écoutes téléphoniques à proprement parler. Selon le Washington Post, qui cite un responsable de l’administration Obama, il est question de « métadonnées », c’est à dire d’informations permettant de déterminer les interactions entre individus suspects (en gros, savoir qui parle avec qui). Or, c’est justement ce type de renseignements que la DGSE intercepte.

Cela étant, les explications données – sous serment – par le général Alexander n’ont, semble-t-il, pas convaincu les autorités françaises, dont on suppose pourtant qu’elles doivent être au courant des arrangements de la DGSE…

« Les dénégations du directeur de la NSA ne me semblent pas vraisemblables », a ainsi réagi Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres de ce 30 octobre. « Le président de la République l’a rappelé ce matin, il y a une nécessité de faire davantage la clarté sur les pratiques des services secrets américains et c’est pour cela qu’au Conseil européen (des 24 et 25 octobre) il a insisté pour prendre cette initiative avec l’Allemagne en particulier », a-t-elle ajouté, en évoquant la « gravité des faits qui semblent plus qu’établis ».

Egalement entendu par la même commission de la Chambre des représentants, le directeur national du renseignement américain, James Clappper, a affirmé que « les responsables politiques européens ne savent pas comment fonctionnent leurs leurs agences de renseignement ». Difficile de lui donner tort!

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