Le Service de santé des armées va changer de modèle

Doté d’une enveloppe annuelle de plus d’1,4 milliard d’euros, le Service de Santé des Armées (SSA) accomplit ses missions avec efficacité… Mais de plus en plus souvent sous tension, comme l’a souligné son directeur, le médecin-général des armées (MGA) Jean-Marc Debonne, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense et des Forces armées.

Ce dernier a identifié pas moins de 4 « facteurs de vulnérabilité » pour le SSA, dont son isolement par rapport à un « système de santé national de plus en plus organisé, souvent concurrentiel dans un contexte financier contraint » ainsi que sa dispersion « en matière de moyens, d’emprises, mais aussi d’activités dont certaines sont très éloignées du besoin réel des forces ».

En outre, les normes et les exigences de la santé publique ne s’accordent pas forcément avec celles liés aux missions opérationnelles, quand elles ne s’opposent pas. Enfin, « la complexité », voire « la lourdeur », de la gouvernance, limite « ses marges de manoeuvre et son aptidue à l’adaptation », même si le service a su en faire preuve à l’occasion des dernières réformes.

A ces fragilités viennent donc s’ajouter les contraintes budgétaires, le SSA n’échappant pas aux économies. Aussi, selon le MGA Debonne, sa « capacité à soutenir l’engagement opérationnel des forces armées pourrait être à terme menacée » étant donné qu’il « rencontre des difficultés croissantes pour réaliser l’adéquation entre la nécessaire performance médicale et la complexité du déploiement cohérent d’une chaîne de santé opérationnelle ».

Aussi, s’il veut rester efficace, le SSA ne pourra pas se contenter d’une nouvelle adaptation : il lui faudra changer de modèle, centré prioritairement sur l’opérationnel afin de préserver les capacités des forces armées à entrer en premier sur un théâtre extérieur. C’est ce qu’a fait valoir son directeur.

Ce projet de nouveau modèle repose sur 5 principes. Le premier, a expliqué le MGA Debonne; consiste à concentrer les activités du SSA sur sa mission régalienne, « tout en densifiant ses équipes et ses structures ». D’où la recherche d’un nouvel équilible entre « la médecine des forces et la médecine hospitalière ».

Second principe : l’ouverture au service public de santé, afin d’améliorer ses performances techniques et économiques. Il s’agira pour le SSA « d’instaurer un dialogue utile avec son environnement et de le rendre plus visible », l’idée étant de favoriser les partenariats avec les hôpitaux civils.

Le nouveau modèle fait aussi la part belle à la recherche de coopérations internationales, afin de répondre à des impératifs « d’efficacité opérationnelle et d’économie de moyens ».

« Si l’ambition du service est d’assurer un soutien santé garantissant la capacité d’entrer en premier, il ne disposera à l’avenir que de capacités limitées pour tenir seul dans la durée », a avancé le MGA Debonne. Aussi, « des coopérations multinationales devront donc être développées dans un souci de complémentarité, de réciprocité et de culture médicale opérationnelle partagée, tout en tenant compte de la limite que représente l’absolue nécessité de préserver l’autonomie de la France et sa capacité à conduire seule, au moins initialement, une opération militaire », a-t-il expliqué.

Autre principe, celui du renforcement des coopérations interministérielles, « essentiel », selon le MGA Debonne, pour « permettre dans les meilleures conditions la participation du service à la résilience de la Nation, comme cela lui est demandé ». Ce qui contribuera également « à l’entraînement du personnel du SSA et à la diminution de son coût de possession pour les armées ».

Enfin, la simplification est le dernier principe énoncé par le directeur du SSA. Elle consistera à « réformer la gouvernance, à clarifier la chaîne de décision, à simplifier les organisations, à alléger les échelons de commandement et à fluidifier les flux d’information, tout en générant des économies de fonctionnement ».

Quant aux 9 hôpitaux d’instruction des armées, conformément à ce qu’avait déjà promis le ministre de la Défense, il n’est pas question d’en fermer. Toutefois, ils devront être réorganisés selon le fameux principe de différenciation afin d’adapter leurs offres de soins aux besoins des armées, « tout en favorisant leur insertion dans les territoires de santé ».

« Garder les neuf HIA apparaît comme une nécessité absolue pour la mise en œuvre du nouveau projet. Sans eux, nous n’aurions pas pu mener l’opération Serval ; ils sont indispensables pour le contrat opérationnel comme pour le soutien des militaires dans les territoires de santé, où ils jouent également un rôle dans la prise en charge des patients locaux », a fait valoir le MGA Debonne.

Seulement, épinglés par la Cour des comptes en 2010 sur leur gestion, et même s’il y a eu des progrès depuis, les HIA éprouvent des difficultés, notamment au sujet de leur niveau d’activité. Comment faire alors, dans ces conditions, avec des moyens constants, pour améliorer les choses?

« Nos structures sont actuellement trop petites, divisées en de nombreux services, la taille réduite de certaines équipes – trois à cinq praticiens parfois – les rendant fragiles. Quand les équipes partent en Opex, les HIA perdent beaucoup de patients civils, qui représentent 80 % des personnes qui y sont soignés », a constaté le MGA Debonne.

Aussi, la solution consistera « à progressivement construire des plateformes hospitalières en nombre réduit, prenant en charge la mission la plus dure qui incombe à l’hôpital militaire – garantir l’entrée en premier – et d’autres structures hospitalières qui auront un rôle d’appoint et de relève », a-t-il expliqué. En clair, quelques HIA vont se concentrer sur les missions opérationnelles avec des équipes renforcées tandis que les autres se verront confier des tâches différentes mais complémentaires « pour le contrat opérationnel ».

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