La préparation opérationnelle et la disponibilité des matériels ont atteint un niveau « préoccupant »

Dans un contexte marqué par des restrictions budgétaires, il est naturel de privilégier les forces engagées dans des opérations extérieures en leur permettant de se préparer au mieux pour leur mission et en faisant un effort particulier sur leurs moyens. Nécessité fait loi, dit-on. Seulement, avec des ressources limitées, si l’on donne à l’un, forcément, on est obligé de prendre à l’autre. C’est ce qu’il s’est passé lors de l’exécution de la dernière Loi de programmation militaire (LPM).

S’agissant des crédits « dévolus à la préparation opérationnelle, et des conditions d’entraînement des militaires », un rapport du Sénat, portant sur la prochaine LPM, souligne qu’un « fossé semble de plus en plus s’instaurer, à cet égard, entre les unités projetées en OPEX et les autres ». Et d’expliquer : « Les engagements extérieurs ont conduit à privilégier la préparation à la projection au détriment de la préparation générique : c’est le principe de la ‘préparation opérationnelle différenciée’ mise en œuvre dans l’armée de Terre ».

Ainsi, cette façon de procéder a permis de garantir un bon niveau d’entraînement aux unités projetées à court terme sur un théâtre d’opération extérieur aux dépens des autres. « La même logique a prévalu pour l’armée de l’Air voire pour la Marine nationale », constate le rapport, qui avance par ailleurs que la « la préparation générique constitue le socle de la préparation des forces terrestres et définit le seuil de leur crédibilité opérationnelle ».

La conséquence est que « les indicateurs de préparation opérationnelle ont chuté et atteignent aujourd’hui un niveau préoccupant », d’après le document. Le fait est, la dernière LPM avait fixé, pour l’armée de Terre, 150 jours d’entraînement par an. Or, en 2013, ce chiffre est tombé à 105. Et cela est susceptible de « fragiliser certaines compétences ».

Pour l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT), un pilote d’hélicoptère devrait effectuer 200 heures de vol par an. La précédente LPM avait fixé un seuil de 180 heures. En réalité, comme l’indique le rapport du Sénat, ce dernier est loin d’avoir été atteint, avec seulement 156 heures d’entraînement en 2013. « Le déséquilibre OPEX /métropole s’accentue : la priorité donnée aux opérations, la faible disponibilité des matériels, le manque de personnels de maintenance et de pièces détachées (liés à Serval) grèvent encore l’entraînement en métropole », souligne le rapport du Sénat.

Le même phénomène a été constaté pour les pilotes de l’armée de l’Air (150 heures de vol/an pour les « chasseurs » au lieu de 180) et ceux de l’aéronautique navale. L’activité de ces derniers, indique le doucment, n’étant « en effet généralement pas à la hauteur des objectifs de la Loi de programmation, en raison principalement d’une disponibilité technique insuffisante », notamment pour ce qui concerne « les hélicoptères Lynx et Caïman ». Et encore, il n’est pas question des Alouette III!

« Plus globalement, les matériels vieillissants (Frégates anti-sous-marine, hélicoptères Lynx, SNA) sont les plus régulièrement touchés par des défaillances qui se traduisent immédiatement par une baisse de l’activité. De plus, après des périodes d’activité plus denses, la régénération technique du matériel se traduit par une diminution significative de l’activité », peut-on lire dans le rapport, lequel s’inquiète également de la dégradation de la disponibilité des matériels.

« La priorité donnée aux opérations s’est également ressentie pour les matériels et équipements utilisés pour l’entraînement, dont la  disponibilité opérationnelle s’est trouvée particulièrement contrainte. Et ce d’autant plus que les dotations budgétaires consacrées à l’’entretien programmé des matériels’ (EPM se sont progressivement éloignées des trajectoires de la loi de programmation », peut-on y lire.

Il n’y a rien de surprenant à cela quand l’on sait sur la période 2009-2014, l’équivalent d’un année de crédits d’EPM est passée à la trappe. Par exemple, les besoins de l’armée de Terre dans ce domaine sont de 430 à 450 millions d’euros. En 2013, ils n’ont été couverts qu’à haureur de 370 millions. Pour l’armée de l’Air, le problème est identique : il lui faudrait 300 millions d’euros de plus par an pour pouvoir disposer du matériel suffisant pour l’entraînement de ses personnels.

Du coup, la disponibilité des véhicules de l’avant blindé (VAB), bête de somme de l’armée de Terre, est tombée à 40%, ce qui signifie que moins d’un engin sur deux est en état. Ce taux est de 50% pour les frégates et de 60% pour les avions de combat de l’armée de l’Air.

Quant aux appareils de transport de cette dernière, en raison du « bas niveau des stocks de pièces de rechange, la disponibilité est (…) devient critique sur les C-130 (Hercules) et (Transall) C-160″, tandis que celle de la flotte de SNA (sous-marins nucléaires d’attaque) » est « altérée par difficultés rencontrées sur l’appareil propulsif ».

Plusieurs explications sont données par les auteurs du rapports. Elle sont largement connues : « le vieillissement du parc d’équipement et son caractère hétérogène, qui rendent la maintenance (maintien en condition opérationnelle, ou MCO) plus difficile et plus couteuse » et « l’arrivée de nouveaux matériels, qui renchérit également le coût d’entretien, insuffisamment couvert par les dotations budgétaires ; (le cumul de ces deux phénomènes, bien connus, place le ministère face à une ‘courbe en baignoire’ où le coût du MCO se renchérit aux deux extrémités du spectre) ».

Le projet de LPM en cours d’examen au Parlement prévoit un effort particulier sur  la préparation des forces et l’Entretien programmé des matériels. Seulement, les effets tarderont à se faire sentir car il ne permettra pas « d’inverser dès cette année la tendance baissière des indicateurs », une inflexion étant cependant espérée par la suite.

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