Il y a 70 ans, la Corse était libérée

Le 8 novembre, en réponse au débarquement allié en Afrique du Nord (opération Torch), Hitler donne l’ordre de lancer l’opération Attila et d’envahir les territoires situés au sud de la Loire, lesquels constituaient une « zone libre » conformément à l’armistice signé en juin 1940 par le maréchal Pétain.

Etant sa situation géographique, la Corse est alors considérée comme étant stratégique pour les forces de l’Axe (Allemagne et Italie). D’où la décision de d’y faire débarquer 80.000 soldats italiens et 14.000 hommes de la brigade SS Reichsführer. Ramené à la population de l’île à l’époque, cela faisait un occupant pour deux habitants…

Dès le mois suivant, le général Giraud, alors co-président du Comité français de libération nationale avec le général de Gaulle (il en sera plus tard évincé par ce dernier), décide d’envoyer aux abords de la Corse le sous-marin Casabianca, rescapé du sabordage de la Flotte, à Toulon, afin de préparer les réseaux de Résistance sur l’île.

Dans le même temps, le capitaine Fred Scamaroni est mandaté par l’Homme du 18 juin pour unifier les mouvements de Résistance dans l’île de Beauté. Seulement, il sera arrêté par l’OVRA, le contre-espionnage italien. En mars 1943, emprisonné à Ajaccio, torturé, et pour ne pas livrer les renseignements que ses bourreaux cherchaient à lui soutirer, il se tranche la gorge avec un fil de fer dès son retour en cellule et écrit avec son sang cet ultime message : « Vive la France, vive de Gaulle! ». Toutefois, son réseau est démantelé.

Pour autant, l’idée d’unifier la Résistance et de préparer le terrain à une future opération alliée est loin d’être abandonné. Après le décès de Fred Scamaroni, le commandant (et futur général de gendarmerie) Paulin Colonna d’Istria est envoyé en Corse à cette fin. Sa mission est en outre de repérer les terrains de parachutage et de déterminer les objectifs militaires à neutraliser en priorité avant une éventuelle offensive. Le sous-marin Casabianca est toujours sollicité pour débarquer sur l’île des agents, des armes et des munitions.

Pendant cette période, l’OVRA fait la chasse aux résistants. Beaucoup sont exécutés tandis que d’autres sont déportés en Italie, où la situation politique est bouleverséee, juillet, par la destitution de Mussolini, et la nomination du maréchal Badoglio à la tête du gouvernement. Ce dernier signe un armistice le 3 septembre (il sera rendu public le 8) avec les Alliés, dont les troupes venaient de débarquer en Sicile.

Du coup, c’est la confusion pour les militaires italiens déployés en Corse, qui, désormais, doivent considérer les troupes allemandes comme ennemies. Il faudra d’ailleurs un certain temps pour qu’ils s’y fassent. Toujours est-il que les forces commandées par le général Magli se voient remettre deux ultimatums : l’un émanant du commandement allemand, qui exige leur désarmement, l’autre lancé par Paul Colonna d’Istria, pour leur demander de s’engager aux côtés de la Résistance. Finalement, après quelques hésitations, les soldats transalpins choisiront de répondre favorablement au second.

Dès le 9 septembre, des accrochages entre Allemands et Italiens se produisent, notamment à Bastia, avec plusieurs navires de la KriegsMarine touchés par les marins transalpins tandis qu’à Ajaccio, le préfet nommé par le régime de Vichy est contraint de signer le ralliement de la Corse au Comité français de la Libération nationale, le CFLN.

Pour autant, l’état-major allemand n’entend pas abandonner si vite. Il s’agit pour lui de préparer le retrait en bon ordre de ses troupes (la brigade SS Reichsführer et la 90e  Panzergrenadierdivision, soit 32.000 hommes) et de leurs matériels vers l’Italie. Pour cela, il lui est impératif de s’assurer du contrôle des voies de communication de l’île.

Dans le même temps, le général Giraud, non sans audace, décide l’envoi du 1er Bataillon de parachutistes de choc. Ses 101 hommes débarquent à Ajaccio le 12 septembre, depuis le sous-marin Casabianca, alors commandé par le capitaine de frégate L’Herminier. A partir de là va débuter l’acheminement de troupes en provenance d’Alger. L’opération Vésuve pourra ainsi bientôt commencer.

Ainsi, le 14 septembre, l’armée française, forte de 6.600 hommes issus du 1er corps d’armée du général Henry Martin, soutenue par  la Royal Air Force l’US Army Air Forces, lance son offensive. Son action est coordonnée avec la résistance locale et les troupes italiennes, notamment les divisions Cremona et Frioul. Le 30 septembre, le col de San Stefano tombe, suivi, le 3 octobre, par celui de Teghime, grâce notamment à l’action des goumiers marocains. Le lendemain, les troupes allemandes évacuent Bastia, qui n’a pas été épargnée par les bombardements. La Corse est enfin libérée.

Au total, la 90e division de Panzergrenadierdivision aura perdu une centaine de chars, 600 pièces d’artillerie et 5.000 véhicules. Selon les estimations, les troupes allemandes ont perdu 1.600 hommes (dont 1.000 tués et 400 prisonniers). Côté français, l’on compte 245 tués (dont 170 dans les rangs de la Résistance). Enfin, 637 soldats italiens y ont perdu la vie.

La libération de la Corse aura une importance cruciale pour la suite des évènements puisqu’elle a permis de préparer le débarquement en Provence et de soutenir les opérations alliées en Italie.

Photo : Le capitaine Fred Scamaroni, compagnon de la Libération. Le site de l’ECPAD a mis en ligne plusieurs images concernant l’opération Vésuve.

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